Mgr Robert PoinardDans l’Eglise catholique le culte marial doit beaucoup aux Jésuites.
Si ce sont les Dominicains qui, après saint Dominique, ont rendu populaire le Rosaire ce sont bel et bien les Jésuites qui ont inventé le mois de Marie et développé la dévotion à Marie.

Or, le pape François est jésuite : qui s’étonnerait qu’au début de l’année 2018 il ait encouragé les chrétiens à prendre Marie pour modèle en recommandant à tous les fidèles le silence de la Vierge Marie devant la crèche, pour savourer le sens authentique de la vie et laisser Jésus parler à notre cœur : « Nous avons besoin du silence pour maintenir un dialogue avec Dieu, quelles que soient les angoisses et les espérances de la vie. »

Pour le pape François, la vénération de la Vierge Marie comme Mère de Dieu, instituée au concile d’Ephèse en 431, contient une “splendide vérité“ sur Dieu et sur nous : dans sa Mère, le Dieu infini s’est fait petit, s’est fait matière, “pour être non seulement avec nous, mais aussi comme nous“.

 


LES ORIGINES DU CULTE MARIAL

Culte marial Dès les tout premiers siècles de la vie de l’Église vont se combiner les développements cultuel et doctrinal sur la place de Marie, inséparables des débats sur la double nature du Christ. Les querelles christologiques aboutissent, en 431 au concile d’Éphèse, à la définition de Marie comme mère de Dieu, « théotokos ».   Puis l’empire d’Orient va lancer le culte officiel de Marie qui se diffusera après 476 en Occident. Par ailleurs, dès la fin du IIIe siècle, la virginité va devenir la valeur forte de la chrétienté, permettant de “toucher les cieux en marchant sur la terre”. Au Ve siècle, la mère de Dieu se voit confier les attributs de l’impératrice. Elle devient la protectrice de l’Empire byzantin, l’empereur représentant Dieu sur terre. De même, au IXe siècle, la Vierge devient en Occident “reine des cieux”, placée au sommet de la hiérarchie des anges dans un système de représentation où le ciel et la terre sont en correspondance.

En Occident, alors que l’empire se désagrège, la Vierge va peu à peu occuper une place vacante, celle de reine. C’est au IXe siècle que s’impose, surtout en Occident, la figure de Marie médiatrice. ­

Comment intervient Marie dans les relations entre pouvoir temporel et spirituel ?

Elle est précisément à l’articulation des deux par son expérience fondatrice de l’Incarnation. Alors que la royauté renaît à partir du XIIIe siècle, elle est associée à la reconstruction des structures temporelles du pouvoir. Elle apparaît sur les sceaux en même temps qu’elle trône aux tympans des églises.

Tandis qu’au XIIe siècle on redécouvre le Dieu fait homme, la Vierge en Occident va prendre de plus en plus d’importance comme mère du Christ et des hommes. Au Moyen Âge, on pense la Vierge comme revêtant le Christ d’un manteau de chair : de même recouvre-t-elle l’humanité de ce manteau. C’est elle qui réintroduit l’humanité pécheresse dans la grâce. Sa maternité spirituelle va engendrer de nombreux ordres mais aussi patronner confréries, cités, universités : les cisterciens deviennent “fils de Marie”. Saint Bernard sera même appelé le “nourrisson de Notre-Dame” !  Quant à la comparaison entre Marie et l’Église ­ toutes deux sont épouse et mère ­ apparue au IVe siècle, elle sera aussi développée au XIIIe siècle. ­

Quel fut l’impact de la Réforme ?

Contre les excès du culte marial, les protestants inviteront à retrouver la « vraie vierge des Évangiles ». Ainsi Jean Calvin dans son Traité des reliques s’en prend vertement à la prolifération des bouteilles de lait de Marie tandis que Luther met en exergue Marie comme servante. Puis, après le concile de Trente, commence une nouvelle période d’inflation des apparitions. Et au début XVIIe siècle, la papauté lancera le culte de Lorette qui marquera peu à peu les limites géographiques de la catholicité.

Les apparitions de la Vierge vous semblent-elles liées à des moments précis de la vie de l’Église ?

Les premiers récits d’apparitions datent du concile de Constantinople (381). On est alors en plein établissement du Credo. La pastorale de l’Église va utiliser les récits d’apparition pour le faire passer, et chasser les hérésies. Mais ces apparitions ne cesseront de se développer car le XIIe siècle a une très forte attente de voir.   Le XIIIe siècle connaîtra l’âge d’or des apparitions qui véhiculent les modèles de sainteté : à la virginité succède la maternité divine. On offre alors, par exemple, aux âmes les plus saintes d’imiter la mère de Dieu en faisant naître l’enfant Jésus dans son âme. Enfin, plus marginal, le modèle de la servante qui émerge au XIIIe siècle réapparaîtra au XIXe siècle.

Sylvie Barnay, historienne, auteur de « La Vierge, femme au visage divin » (Gallimard 2016).


MOIS DE MAI : MOIS DE MARIE

Mère de l'Eglise Le mois de Marie est, dans le catholicisme, le plus ancien des mois consacrés. D’après les pieuses traditions, le souhait d’honorer la Vierge Marie au mois de mai remonterait au XIIIe siècle avec le Roi de Castille, Alphonse X le Sage, qui célébrait la beauté de Marie en y associant la beauté des fleurs de mai. Au XIVe siècle, un bénédictin offrait à Marie des couronnes de fleurs de printemps… De même, au XVIe siècle, la publication d’un recueil intitulé « Mois de mai spirituel » invitait à prier la Vierge Marie avec le renouveau de la nature alors que saint Philippe Néri réunissait des enfants autour d’un autel dédié à la Vierge et, tout en lui offrant des fleurs, ils lui demandaient de les aider à pratiquer une vertu chaque jour. Au XVIIe siècle les Jésuites allemands recommandent à leurs élèves de pratiquer des exercices spirituels particuliers durant ce mois.

Mais le mois de Marie a vraiment commencé d’être célébré au début du XVIIIe siècle à Italie. Les Franciscains de Naples célèbrent en mai un office marial propre. Les Dominicains honorent la Vierge chaque jour du mois, imités par la plupart des paroisses. Sa promotion à Rome, puis en Europe et dans le monde occidental, doit beaucoup aux Jésuites, en particulier au Père Lalomia. Plusieurs ouvrages publiés au XVIIIe siècle sont dédiés au mois de Marie et à ses pratiques[1]. En Europe c’est le Père Pierre Doré (1733-1816), jésuite, qui publie à Nancy « Mois de Marie ou mois de mai » (1778). L’ouvrage est dédié à Louise de France, fille du roi Louis XV, carmélite, qui en assure la promotion notamment dans les couvents et monastères.

Le véritable essor du mois de Marie est dû au pape Pie VII qui veut rompre avec le passé révolutionnaire qui a ensanglanté l’Europe durant plusieurs décennies. Pour le pape il s’agit de permettre aux fidèles de renouer avec la dévotion populaire de manière simple.

Les fidèles, pendant ce mois de mai, se rassemblent tous les soirs à l’église afin de rendre leurs dévotions à Marie. Ceux qui ne peuvent pas se rendre à l’église se rassemblent dans des maisons particulières ou devant un calvaire pour faire leurs dévotions. Ces prières collectives comprennent la récitation du chapelet et des litanies à la Sainte Vierge et l’assemblée entonne des chants mariaux. Le Magnificat se démarque des autres chants et termine l’office. Généralement c’est une pieuse femme qui mène la célébration.

Ces rassemblements sont courants en Europe et en Amérique du XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle. Le pontificat de Pie XII est une période de relance avec l’introduction de la fête de Marie Reine en 1954. Avec la désacralisation du temps et l’effritement de la vie communautaire paroissiale où s’organisaient les festivités mariales, le mois de Marie perd peu à peu de son importance. Il demeure un temps fort pour les groupes les plus motivés. On trouve maintenant sur Internet des prières quotidiennes durant tout le mois « un bouquet de 31 fleurs pour Marie » comme l’affirme un de ces sites mariaux. Cependant, aujourd’hui, des paroisses ont réinstauré cette pratique qu’ils ont confiée à des petits groupes de laïcs.

D’après le dictionnaire encyclopédique de Marie

[1] En 1815, le Pape Pie VII approuve solennellement cette dévotion et accorde à tous ceux qui honorent la Vierge pendant ce mois des indulgences, soit le pardon des peines du purgatoire.


NOUVELLE FÊTE MARIALE LE LUNDI DE PENTECÔTE

Mère de l'Eglise Selon la volonté du Pape, l’Église de rite latin célèbrera maintenant, chaque année, la fête de « la bienheureuse Vierge Marie Mère de l’Église » le lundi de Pentecôte. Cette fête devra apparaitre dans tous les calendriers et les livres liturgiques pour la célébration de la messe et de la liturgie des heures. La Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements met à disposition des textes liturgiques nécessaires à ces célébrations. Leurs traductions, approuvées par les diverses conférences épiscopales, seront publiées après la confirmation de Rome.

Valoriser le mystère de la maternité spirituelle de Marie

Commentant le décret signé à l’occasion du 160e anniversaire de la première apparition de la Vierge à Lourdes, le cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements, explique quelle est l’intention du Pape. Celui-ci a pris la décision de célébrer Marie Mère de l’Église, « en considérant l’importance du mystère de la maternité spirituelle de Marie qui, dans l’attente de l’Esprit Saint à la Pentecôte n’a jamais cessé de prendre soin maternellement de l’Église pèlerine dans le temps ». Il estime que « la promotion de cette dévotion peur favoriser, chez les pasteurs, les religieux et les fidèles, la croissance du sens maternel de l’Église et de la vraie piété mariale », peut-on lire dans le décret.

Le vœu, explique le cardinal Sarah, est que cette célébration rappelle à tous les disciples du Christ que, si nous voulons grandir et être remplis de l’amour de Dieu, il faut planter notre vie sur trois grandes réalités – la Croix, l’hostie, et la Vierge – « trois mystères que Dieu a donnés au monde pour structurer, féconder et sanctifier notre vie intérieure, et nous conduire vers Jésus », écrit le prélat.

Le fruit d’un progrès

François n’est pas le premier pape a accorder de l’importance à Marie Mère de l’Église. Le décret souligne les progrès réalisés dans la vénération liturgique réservée à la Vierge Marie.

La Mère du Christ est aussi Mère de l’Église, comme l’indique les « paroles prémonitoires » de saint Augustin et de saint Léon le Grand. L’un dit que Marie est « la mère des membres du Christ », parce qu’elle a coopéré à la renaissance des fidèles dans l’Église. L’autre écrit qu’elle est mère des membres du Corps mystique du Christ, c’est-à-dire de son Église. « Ils s’appuient tout deux sur la maternité de Marie et de son union intime avec l’œuvre du Rédempteur ». En accueillant le disciple bien aimé, Marie a accueilli tous les hommes comme ses enfants, appelés à renaitre à la vie divine. Dans le disciple bien aimé, le Christ choisit à son tour tous les disciples comme vecteurs de son amour envers la Mère, explique le décret. Et au cours des siècles, poursuit-il, la piété chrétienne a honoré Marie avec les titres de Mère des disciples, des fidèles et des croyants. Tel est le fondement sur lequel s’est appuyé le bienheureux Pape Paul VI lorsqu’il a reconnu solennellement à Marie le titre de Mère de l’Église le 21 novembre 1964 en concluant la troisième session du Concile Vatican II.

Depuis, le Saint-Siège a proposé à l’occasion de l’Année Sainte de la Réconciliation en 1975, une messe votive en l’honneur de la bienheureuse Marie Mère de l’Église, insérée par la suite dans le Missel Romain ; il a aussi accordé la faculté d’ajouter l’invocation de ce titre dans les Litanies Laurétanes en 1980 et publié d’autres formules dans le recueil des messes de la bienheureuse Vierge Marie en 1986.

D’après le site « Vatican News »


Mgr Robert Poinard,
Aumônier Général

“Marie, Mère de l’Eglise”, voir également :
Le dossier de l’Eglise de France  (CEF)
Note émise par la Congrégation pour le Culte divin.

Pour aller plus loin :
Dossier Pentecôte de la CEF
Dossier Confirmation de la CEF