Après une semaine de formation en Octobre, les MEP m’ont envoyé pour une année au Japon où je suis arrivé début Janvier 2019.
Ce désir de partir je l’ai fait grandir en moi pendant environ 4 ans. Après des études de comptabilité et une année de travail dans un cabinet d’audit financier, où j’avais du mal à trouver ma place, je me suis enfin lancé dans l’aventure. Ce qui m’a poussé à réaliser ce projet c’est une volonté de me dépasser, de sortir de ma zone de confort, tout en faisant quelque chose qui a du sens, en rapport avec mes valeurs et en ce que je crois. Les MEP m’offrent pour cela le cadre idéal.
Le Japon est un pays passionnant avec une histoire très riche et surtout une culture très intéressante mais totalement différente de la notre. Elle n’a pas grand-chose à nous envier. Nous avons d’ailleurs, peut-être, certaines choses à en apprendre notamment dans nos relations avec les autres.
Le Japon c’est le pays de l’harmonie. Ça se retrouve dans leur jardin où la nature est domptée comme dans nos jardins à la Française mais où les angles sont arrondis. Il n’y a d’ailleurs pas d’angles dans les jardins Japonais, doux jeux de courbes qui s’enlacent au son de la mélodie envoutante des rivières qui les traversent.
Nous retrouvons cet esprit dans les relations humaines où l’on prend le temps d’écouter l’autre et surtout de ne pas le froisser même si nous ne sommes pas d’accord avec ce qu’il dit. C’est d’ailleurs une limite à ce système qui crée de nombreux non-dits. C’est peut-être un point sur lequel ils auraient à apprendre de nous, Français, râleur que nous sommes.
Mes activités me permettent de mieux découvrir ce pays.
Trois jours par semaine je travaille dans une centre (Akatsuki No Mura : le village de l’aube) pour personnes atteintes de maladie psychique et de handicap mental. Il a été créé à la base par un prêtre Japonais pour accueillir les boat people Vietnamiens fuyant le communisme. L’objectif était de les aider à s’intégrer dans la société Japonaise. Les derniers résidants ayant développé des troubles psychiques n’y sont jamais parvenus. Le centre s’est alors reconverti, en accueillant des Japonais atteints de ce genre de maladie. Aujourd’hui il ne reste plus que 3 vietnamiens sur les 9 patients. Pour assurer son financement et occuper les personnes, Akatsuki No Mura a différentes activités auxquelles je participe ; démontage d’ordinateurs pour ensuite vendre les composants à des entreprises de recyclage ; assemblage de connectique pour l’industrie automobile ; récupération de meubles, vêtements, livres, vaisselles pour les vendre dans la brocante du centre ; jardin potager luxuriant dont le surplus est revendu. Je travaille essentiellement avec l’homme à tout faire du centre. Pour l’instant nous nous efforçons d’essayer principalement de ranger le joyeux bordel qui s’entasse depuis des années dans la cour. Mais une fois par semaine je travaille dans l’atelier avec les personnes accueillies. Je me surprends petit à petit à nouer des relations avec eux, même si les conversations tournent souvent autour des mêmes sujets. Les pauses cigarettes sont (malheureusement) pour ça une bonne occasion. L’autre jour l’un des patients m’a invité à faire un bras de fer que j’ai perdu avec brio. J’ai appris juste après que c’est un passionné de combat de sumo. Et qu’il ne fait pas que regarder (si j’ai bien compris). Je n’avais pas beaucoup de chances de le battre…
Le reste de la semaine, je suis au service de la communauté francophone de Tokyo où j’assiste l’aumônier, le P. Pierre Charignon. Qu’il fait bon de parler Français après avoir été entouré de Japonais. A mon arrivée j’ai été surpris par la bienveillance et la solidarité qu’il existe dans cette communauté. Chacun peut y trouver sa place et approfondir sa foi selon son avancement.
Je m’occupe dans ce cadre de la tranche d’âge des 4ème / 3ème plus ou moins élargie en fonction du groupe de rencontre : préparation à la confirmation ( 9 jeunes ont reçu ce sacrement en Mai) ; aumônerie des 4ème / 3ème ; servants de messe. C’est intéressant de pouvoir rencontrer les mêmes jeunes dans différents contextes. Lors de la préparation à la confirmation nous les invitons, avec une autre animatrice, à réfléchir sur leur foi. Alors que pendant l’aumônerie nous essayons de leur parler de sujets qui les touchent, par exemple avec un film. Dans le groupe des servants ils deviennent ‘acteur au sein de l’Eglise’ en rendant service.
Je participe également, avec la communauté francophone, aux visites de prisonniers d’un centre de détention, pour les personnes en attente de régularisation de leur VISA. Il s’agit principalement de personnes venant de pays pauvres, venues légalement au Japon mais, pour des raisons administratives, se retrouvent enfermées. Le cas le plus absurde est celui d’une africaine, mère de famille, qui, vivant déjà au Japon depuis un vingtaine d’année, mais n’ayant pas renouvelé son VISA dans les délais, s’est retrouvée enfermée après avoir entamé des démarches pour régulariser sa situation. Voilà maintenant plus d’un an qu’elle est dans ce centre, sans savoir quand elle va en sortir, en se faisant du soucis pour ses enfants livrés à eux mêmes, leur père travaillant toute la journée. C’est aussi l’une des réalités qui se cache derrière les jardins Japonais et les cerisiers en fleurs, invisible aux yeux des touristes mais bien présente.
Pendant mon temps libre j’essaye d’aller aider les Missionnaires de la Charité à préparer et à distribuer des Bentô (repas Japonais en barquette) aux SDF de Tokyo. J’y ai d’ailleurs emmené le groupe des confirmands. C’était un bon moment de rencontre pour eux avec les frères et les autres personnes qui aident. Ils ont été assez surpris par le nombre de sans abris et ils ont raison. Chaque samedi environ 300 repas sont préparés. Mais c’est un visage de Tokyo que les touristes ne voient pas. En effet les SDF Japonais ne mendient pas. Ils essayent de survivre en ramassant des canettes pour revendre l’aluminium. Il est donc rare de voir des SDF et pourtant ils sont bien présents.
Je vais aussi voir de temps en temps un groupe de jeunes Japonais chrétiens : la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) qui fêtait ses 70 ans de présence au Japon en Avril. C’est un prêtre MEP qui s’en occupe, le P. Pierre Perrard. J’aime beaucoup y aller, c’est toujours très sympa et très intéressant. J’ai d’ailleurs organisé une rencontre avec les jeunes francophones du groupe MCC (Mouvement des Cadres Chrétiens). Mon idée était de montrer que malgré les différences culturelles, nous partagions des points communs. En effet nous avons la même foi et nous pouvons aussi être confronté aux mêmes difficultés dans notre foi, dans notre travail, dans notre vie de tous les jours. Ce fût un très bon moment d’échange.
Lentement mais sûrement je me laisse transformer par cette mission où chaque jour j’en découvre un peu plus sur le Japon, l’Eglise, mais aussi sur moi. J’essaye à travers la prière d’en remercier Dieu.
François de Veyrac
Revue MEP N°554, Novembre 2019