Situé près de la gare de Briançon, le Refuge solidaire a ouvert à l’été 2017, pour accueillir 15 personnes, pour une durée de 3 jours.
Jean-Yves Montalais, 80 ans, ancien responsable local du Secours Catholique – Caritas France, siège au Conseil d’Administration des Refuges solidaires et joue le rôle de courroie de transmission entre les différents acteurs. Le bail de l’ancien local des CRS était arrivé à échéance mais le Maire a finalement laissé jusqu’à fin avril 2021 pour trouver un nouveau lieu, afin de poursuivre cette démarche citoyenne, soutenue par l’Eglise diocésaine.
Briançon, un petit Calais en puissance ?
Les habitants de Briançon ont l’expérience de deux CAO (Centres d’accueil et d’orientation, créés suite à l’évacuation définitive de la Jungle de Calais) et un CADA (Centre d’accueil de demandeurs d’asile), qui accueille 60 personnes depuis 4 ans. Le Secours catholique s’est investi en finançant trois « Service Civique », affectés au Refuge solidaire, pour des missions d’appui aux bénévoles, d’accueil des migrants, pour les repas et les couchages. Le refuge peut compter sur 80 bénévoles. « Les deux premières années, beaucoup d’entre eux étaient issus de la paroisse, relit Jean-Yves Montalais. Malheureusement, plusieurs en ont perdu la santé… » Quand les migrants ont commencé à franchir le col de l’Echelle, pendant l’hiver 2016 et le printemps 2017, la paroisse a joué un grand rôle pour la préparation de repas. Un collectif, puis l’association des Refuges solidaires ont vu le jour. Il existe en effet un autre refuge à 30 km, qui permet d’héberger un peu plus longtemps des personnes malades. « Depuis bientôt deux ans, des jeunes viennent s’investir pour une semaine, un mois ou un peu plus, poursuit-il. Ces volontaires terminent leur formation en lien avec les migrants et l’aide à la personne ». Ils permettent aux locaux de « souffler un peu ». Par ailleurs, la Fondation de France, la Fondation Abbé Pierre et RIACE financent les salaires d’une coordinatrice et d’une professionnelle de l’accueil. Emmaüs a notamment participé aux travaux et apporté un appui financier.
Plusieurs pôles d’activité structurent l’organisation du Refuge : accueil, repas, vestiaire, literie, maintenance du lieu et santé. Au Conseil d’administration siègent notamment un médecin, un chirurgien, des infirmières… Des psychologues de Médecins du Monde apportent également leur soutien et une psychiatre fait le déplacement tous les quinze jours. Une convention a été signée avec l’hôpital de Briançon et l’ARS. La Mairie règle le chauffage.
Malgré les contrôles de la police ou les procès en cours, les bénévoles « en ont vu d’autres » et « ne s’arrêtent plus à ça », assure-t-il. Pour lui, le contexte est « moins dur qu’à Calais » où les gens sont bloqués sur place alors que « nous sommes un lieu de passage ». Sans être tendus, les rapports avec la police à Briançon tiennent du jeu de cache-cache…
De plus en plus de familles
Les disparitions en montagne, pourtant médiatisées, ne dissuadent pas les candidats. « Le col de l’Echelle est une falaise, explique Jean-Yves. Une route monte en serpentant, qui est fermée l’hiver ». Parmi ceux qui réussissent à traverser la frontière franco-italienne dans la neige, certains arrivent avec des gelures et diverses blessures pouvant nécessiter l’amputation. Mais la route empruntée est désormais celle du col du Montgenèvre. Malgré la présence de la police de l’air et des frontières qui arrête et refoule les migrants, « ils passent quand même », constate le bénévole. L’association « Tous Migrants », épaulée par Médecins du monde, envoie d’ailleurs ses maraudeurs en montagne pour les ramener au Refuge. Depuis l’été, aux Africains de l’Ouest (Guinée, Sénégal, Côte d’Ivoire, Mali…) ont succédé des Afghans et des Iraniens, arrivés par la route des Balkans. « Il y a des femmes avec enfants, des MNA et parfois des couples », complète-t-il.
Grâce aux bonnes relations entretenues avec les responsables des deux refuges côté italien, les Français savent à peu près le nombre de personnes susceptibles d’arriver à Briançon. De par ses statuts, le Refuge propose son aide pour une période ne dépassant « théoriquement » pas 3 jours. Fin novembre, 60 personnes y étaient accueillies. « Notre vocation est d’être un lieu de répit, souligne le bénévole. Certains arrivent le matin et repartent le soir. En 3 années, 11 000 migrants sont passés au refuge de Briançon et aucun n’a couché dans la rue ». Dès son arrivée, un temps d’échange avec un accueillant, souvent en anglais, permet à chaque personne d’exposer son projet migratoire. On explique comment s’orienter dans le métro parisien, par exemple. Certains, néanmoins, ne donnent pas de détails. Des statistiques mensuelles sont transmises aux partenaires.
« Continuer quoi qu’il arrive »
L’engagement du Secours catholique, dès le démarrage, dans ce lieu non-confessionnel, a fait évoluer l’image de l’Eglise. « Notre évêque, Mgr Xavier Malle, a pris parti pour les migrants, se félicite Jean-Yves, qui salue l’implication et la sincérité de l’évêque de Gap et Embrun. Son attitude s’inscrit dans le sillage du pape François et de l’encyclique Fratelli Tutti. Et le curé local, le P. Jean-Michel Bardet, participe aux réunions ». Faut-il voir le Briançonnais comme un signe des temps envoyé aux chrétiens ? Certains paroissiens l’ont compris dès le début et ce, « malgré leur grand âge », acquiesce-t-il. Au plus fort des arrivées, la paroisse a hébergé pour la nuit jusqu’à 25 personnes dans la salle Ste-Thérèse.
De nombreux anciens du Refuge témoignent qu’ils ont reçu un accueil chaleureux à Briançon. Or pour « continuer à être un lieu de répit, tout en étant le plus humain possible envers ces familles », il faut trouver, d’ici la fin de la trêve hivernale, un nouveau local ! Son appel pour Noël ?
« On peut soutenir le Refuge en faisant un don aux grandes associations »
Claire Rocher (SNMM)
Mieux comprendre
Fratelli Tutti
http://www.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20201003_enciclica-fratelli-tutti.html
Aller plus loin
Comment l’Enseignement catholique enseigne-t-il le fait migratoire ?
https://migrations.catholique.fr/sinformer/actualites/299553-comment-lenseignement-catholique-enseigne-t-il-le-fait-migratoire/
Liens utiles
Site du diocèse de Gap et Embrun https://www.diocesedegap.fr/
Site du Secours Catholique – Caritas France https://www.secours-catholique.org/
Site de Médecins du Monde https://www.medecinsdumonde.org/fr