Collaboration entre les Communautés Catholiques Francophones dans le Monde (CCFM) et la Pastorale des Migrants, la parole est donnée aux catholiques des deux côtés des frontières.
Comment sont-ils mobilisés pour accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les personnes migrantes ? Quels messages souhaitent-ils adresser aux chrétiens à l’approche de Noël ?
Avent, semaine 1 :
A Calais, ville emblématique de la lutte contre des politiques migratoires injustes envers les personnes migrantes et dangereuses pour tous, répond l’Église qui est à Londres. Interview de Juliette Delaplace (Secours Catholique) à Calais et témoignage de Barbara Kentish (Paroisse Notre-Dame de France) à Londres.
Avent, Semaine 2 :
Lesbos, île grecque où se trouve le camp de Moria, où le P. Maurice Joyeux, SJ, a été filmé pour « Par-delà l’enfer » pendant le confinement du printemps, dialogue avec la CCF d’Athènes dont le jésuite a été l’aumônier. Interview de Laurence Monroe (réalisatrice du documentaire) et témoignage de Bénédicte Fleury (CCF d’Athènes).
Avent, semaine 3 :
Au Refuge solidaire de Briançon, les Français engagés sont sur la même longueur d’ondes que les militants de Bardonecchia (Italie) qui maraudent en montagne. Interview de Jean-Yves Montalais (ancien responsable local du Secours catholique) et témoignage de l’italienne Silvia Massara (Tous Migrants).
Avent, semaine 4 :
Médecin natif de l’île de Lampedusa, l’Italien Pietro Bartolo a été élu député européen pour porter la voix des migrants au sein des instances de l’UE.
François Thomas, président de SOS MEDITERRANEE, voit dans les marins-sauveteurs le dernier maillon d’une grande chaîne de fraternité européenne.
Ainsi tour à tour en cette période de l’Avent, nous partageons chaque semaine un témoignage à deux voix.
En cette deuxième semaine de l’Avent, Lesbos – Athènes se répondent !
Bénédicte Fleury, membre de la Communauté Catholique Francophone d’Athènes (Grèce), est engagée en catéchèse et au JRS (Service Jésuite des Réfugiés). Ecrivain, elle publie sous le nom de Bénédicte F. Parry.
Lesbos, la honte de l’Europe. C’est le titre du livre publié au mois de janvier 2020 par Jean Ziegler, vice-président du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme pour les Nations Unies.
Ce qui se passe aux frontières de l’Europe n’est plus un secret pour personne. Des titres similaires font régulièrement la une de nos journaux depuis 2015. Si j’en crois l’interview de Laurence Monroe, son film vient ajouter encore un peu plus de concret, un peu plus d’urgence à ce constat, et c’est un témoignage nécessaire. Mais il vient apporter quelque chose de plus, quelque chose d’indispensable : l’espoir.
Accepter de regarder en face la façon dont l’Europe du XXIe siècle traite les migrants qui frappent à sa porte, c’est se confronter à un immense sentiment d’impuissance, et à la honte. « Que pourrais-je bien faire, moi ? » torture nos esprits avec son corollaire « Qui suis-je, si je ne fais rien ? » Exactement comme pour le changement climatique, ces deux questions nous écrasent et provoquent l’inaction, qui entraîne à son tour honte et sentiment d’impuissance.
Pour briser le cercle infernal et entrer dans l’action, chacun de nous a besoin d’un moteur puissant, celui de l’espoir. Dans le domaine du changement climatique, le film « Demain » (2015) de Cyril Dion et Mélanie Laurent donne à voir des initiatives porteuses de sens et d’espoir. Ce film a poussé des milliers de personnes à entrer dans l’action. Dans le domaine de la migration, Laurence Monroe a cherché, avec le Père Maurice Joyeux, SJ, et le journaliste afghan Mortaza Behboudi, à trouver au sein du camp de Moria « les forces de Résurrection », « les puissances de vie ». Souhaitons que son film devienne à son tour source d’inspiration.
La Communauté Catholique d’Athènes connaît bien le Père Maurice Joyeux, SJ, son ancien aumônier, qui a fondé la branche athénienne du Service Jésuite des Réfugiés (JRS) en 2015 et entraîné de nombreux paroissiens avec lui dans l’aide aux migrants. Aujourd’hui la dynamique de la communauté a changé. Le nombre de paroissiens en situation d’expatriation professionnelle s’est réduit comme une peau de chagrin, tandis que la communauté s’est enrichie d’un contingent toujours plus important de paroissiens migrants, demandeurs d’asile et réfugiés, principalement en provenance d’Afrique subsaharienne, dont beaucoup sont passés par les camps de Lesbos ou de Samos.
Depuis deux ans, les catholiques francophones d’Athènes sont répartis sur deux paroisses. Pour des raisons principalement géographiques, la paroisse historique St-Jean-Baptiste de Psychico, est surtout fréquentée par les expatriés et les binationaux, tandis que la paroisse de Ste-Thérèse de Kipseli est devenue un lieu de rassemblement des migrants et demandeurs d’asile francophones – principalement congolais et camerounais. Le Père Pierre Salembier, SJ, assure la liaison entre les deux.
Je fais partie de ceux qui fréquentent la paroisse historique. Arrivée il y a deux ans avec ma famille, je me suis engagée dans la catéchèse et au JRS. J’ai également choisi de faire de la migration le thème central de mon prochain roman, qui se déroule à Athènes.
Mais lors du premier confinement, comme beaucoup, mon réflexe face à l’ampleur du choc a été un repli sur ma famille. J’ai cessé d’aller au JRS où j’animais des ateliers. Ateliers et cours étaient d’ailleurs interdits. Même les jeunes volontaires ont dû rentrer prématurément chez eux. Les messes et le catéchisme se sont arrêtés. Chacun a fait ce qu’il pouvait. Notre communauté s’est mise en sommeil.
Dans ces moments difficiles pour tous, mais plus encore pour ceux qui vivent dans des conditions matérielles et psychologiques indignes, l’initiative du Père Joyeux, qui s’est rendu à Lesbos « pour dire aux migrants que quelqu’un ne les oublie pas », me semble être l’un de ces actes pleins de sens et porteurs d’espoir susceptibles de nous inspirer. Bien sûr, nous n’avons pas tous vocation à aller partager le sort des plus démunis. Mais un pas vers l’autre, même petit, est toujours une lumière qui s’allume. Pas seulement pour l’autre. Pour nous aussi. Comme le dit Laurence Monroe : « Les gens qui s’en sortent moralement sont ceux qui s’occupent des autres ». Si c’est vrai à Moria, c’est vrai pour nous aussi.
En cette fin d’année, où nous sommes de nouveau confinés, aucun d’entre nous n’a eu envie de vivre cette nouvelle épreuve comme nous l’avons fait la première fois. « L’espérance est quelque chose qui se cultive de manière communautaire, pas tout seul », dit le Père Joyeux dans le film. Pour ce deuxième confinement, notre CCM d’Athènes a décidé de jouer la carte du « ensemble, malgré tout ».
C’est ainsi que nous avons mis en place une messe virtuelle, célébrée par le Père Pierre Salembier, SJ, et animée par des volontaires du JRS sur leur lieu de confinement. Cette messe est diffusée en ligne chaque dimanche et suivie par les membres de nos deux paroisses, par d’anciens membres de la communauté, et même par nos familles éparpillées dans le monde. Elle est un lien vivant et un soutien pour les membres de notre communauté.
Nous avons aussi commencé le catéchisme en version virtuelle, afin de proposer aux enfants un espace de joie, de partage et d’espoir au milieu de leur quotidien confiné.
En ce temps de l’Avent, laissons-nous porter par l’espoir et mettons-nous en action. Pour eux, pour nous.
Bénédicte Fleury, CCF d’Athènes (Grèce)
Claire Rocher
Responsable communication
Service national Mission et Migrations
Patricia Roger
Coordinatrice des CCFM
Service national Mission et Migrations
Pour info, rediffusions du documentaire « MORIA. Par-Delà l’Enfer » sur KTO :
Mardi 15 décembre à 23h16, jeudi 17 décembre à 14h06, vendredi 18 décembre à 13h11 et samedi 19 décembre à 16h07.