Comme nous l’enseigne le Concile Vatican II et comme nous le rappelle souvent le pape François, de par leur baptême, les laïcs participent au sacerdoce commun des fidèles et donc à la mission de l’Eglise, qui est d’annoncer, par toute sa vie, ses paroles et ses actions, la Bonne Nouvelle du Salut en Jésus-Christ.
A la lumière de ce rappel, et suite au thème de travail des dernière Journées pastorales des CCFM à Londres début septembre « L’apostolat des laïcs dans nos communautés : quelles formations pour quelles responsabilités ? », Monseigneur Robert Poinard est heureux de partager dans ce dossier deux éclairages importants pour une collaboration constructive entre prêtres et laïcs et une gestion positive des conflits.
Il y a une chose absolument certaine dont il faut se persuader : quand on ne traite pas rapidement et loyalement les conflits dans une communauté, toute l’œuvre d’évangélisation se bloque et la paroisse ne tarde pas à se paralyser durablement. Il est impératif pour les responsables pastoraux d’apprendre à résoudre les conflits. Voici quelques conseils que peut donner le canoniste habitué à gérer les contentieux…
- Ne pas avoir peur de dévoiler tout dysfonctionnement et de le faire avec la plus grande franchise.
Quelquefois une certaine forme de « colère » est souhaitable : c’est la « sainte colère » lorsqu’elle dénonce un mal. Dans l’Ecriture Sainte nous voyons Dieu se mettre parfois en colère. Jésus s’est mis en colère. Si une discorde naît de l’orgueil et de la vanité de certains, le responsable pastoral devra parfois prendre des moyens très énergiques pour bloquer le conflit dans l’œuf. Il existe une forme d’indignation-dénonciation tout à fait justifiable, c’est celle des prophètes de l’Ancien Testament et de l’apôtre Paul.
- Prendre le temps de la réflexion
Devant une discorde interne il faut d’abord bien se renseigner pour savoir quelle est l’origine du conflit. Le pire est de vouloir imposer une solution trop rapidement et sans connaître parfaitement la situation (style « emplâtre sur une jambe de bois ») et qui n’arrangerait rien du tout en permettant au feu de continuer à couver sous les braises. Ce temps de réflexion est nécessaire et, pour ne pas brusquer les choses, il ne faut pas craindre de pousser la réflexion jusqu’à son terme en prenant bien tout le temps nécessaire pour y voir vraiment clair.
- Recueillir des éléments objectifs et prendre conseil de personnes avisées
Si la discorde s’est manifestée en public il y a eu des témoins : des personnes ont vu et entendu et savent donc ce qui s’est passé. Entendre leur témoignage peut s’avérer primordial pour comprendre le nœud du problème.
Ensuite il peut être également utile de prendre l’avis de quelques personnes avisées à condition que cela soit fait dans la discrétion et la confidentialité.
- Rencontrer les personnes en cause
C’est la manière la plus sûre d’aller à la source de la discorde. Obtenir que chacun puisse s’exprimer librement afin d’identifier les griefs, de lever les ambiguïtés, de rectifier les erreurs d’interprétation le cas échéant. Le pire arrive lorsque des personnes estiment ne pas avoir été écoutées et entendues.
- Si le conflit est public ne pas craindre de le traiter en communauté
Ce point ne concerne que les conflits connus de tout le monde. L’Ecriture Sainte nous demande de traiter publiquement des divisions publiques. Manifestement, dans une telle situation, quand tout le monde sait ce qui se passe et en parle sous le manteau, il est nécessaire que la communauté soit officiellement prévenue pour être traitée comme une personne majeure. Ceci afin d’éviter que les paroissiens ne prennent le silence de leurs responsables pour des cachotteries, de l’intrigue et du mépris.
La discorde est toujours un très mauvais témoignage. Quand une communauté a la réputation de former en clans, d’être en état de disputes permanentes, elle perd totalement sa crédibilité. Le monde se moque ou se scandalise des communautés chrétiennes au sein desquelles on se combat l’un l’autre. Des croyants y perdent la foi…
Dans tout groupe, les différences (et les divergences) sont inévitables. La paroisse parfaite n’existe pas comme il n’y a pas de famille parfaite. Un de mes professeurs de morale nous disait : « il ne faut jamais avoir peur des conflits mais il faut avoir peur de ne pas savoir en sortir. » La gestion des conflits dans l’église doit être un souci primordial des responsables pastoraux : quand ils surviennent il faut mettre toute son énergie à les traiter. Cela demande du courage car il faut prendre position et poser des décisions qui seront parfois mal perçues même lorsqu’on les aura bien expliquées.
Notre plus beau témoignage ne réside pas dans nos belles églises, nos grands sermons ou la magnificence de notre chorale ; c’est d’abord l’amour authentique que chacun a pour l’autre au sein de la même communauté.
Ces quelques conseils sont-ils réellement efficaces ? Oui, à une condition : que les personnes concernées recherchent loyalement la vérité et le bien supérieur de la communauté. Si elles restent enfermées dans leur vanité et leur orgueil je crains que rien ne soit efficace. Ce sont les dispositions du cœur qui font tout. Les cœurs fermés ne viennent pas à la conversion.
Enfin le rôle du prêtre est essentiel : s’il est vraiment l’homme de l’unité, s’il sert avec désintéressement la communauté, s’il est enraciné dans la prière et s’il montre lui-même l’exemple d’un homme de paix et de réconciliation cela portera des fruits durables pour le bien de sa paroisse.
Mgr Robert Poinard
Aumônier général