Mgr Robert Poinard

 

 

 

 

 

 

 

Comme nous l’enseigne le Concile Vatican II et comme nous le rappelle souvent le pape François, de par leur baptême, les laïcs participent au sacerdoce commun des fidèles et donc à la mission de l’Eglise, qui est d’annoncer, par toute sa vie, ses paroles et ses actions, la Bonne Nouvelle du Salut en Jésus-Christ.

A la lumière de ce rappel, et suite au thème de travail des dernière Journées pastorales des CCFM à Londres début septembre « L’apostolat des laïcs dans nos communautés : quelles formations pour quelles responsabilités ? », Monseigneur Robert Poinard est heureux  de partager dans ce dossier deux éclairages importants pour une collaboration constructive entre prêtres et laïcs et une gestion positive des conflits.

Travail prêtres laïcs

 

 

 

 

 

 

 


Pour une vraie collaboration prêtre-laïcs

 

Travail prêtres laïcs

 

 

 

 

 

 

 

J’enseigne à mes étudiants en droit canonique la doctrine issue du Concile Vatican II qui nous a fait passer de la conception de l’Eglise comme société hiérarchique régie exclusivement par le clergé à un mystère de communion entre tous ses membres, impliquant que chaque baptisé y prenne ses responsabilités propres.

Cette prise de conscience que les laïcs sont appelés à participer à l’apostolat aux côtés des clercs, amène forcément les prêtres à faire le deuil de leur omniprésence tout terrain, telle qu’on la concevait depuis bien longtemps. Il faut avoir beaucoup d’humilité aux clercs pour se dessaisir de ce qui semblait appartenir au prêtre en exclusivité.

Pour beaucoup d’entre nous, prêtres, c’est à une véri­table dépossession que nous sommes confrontés : nous déposséder pour que les laïcs prennent toute leur place dans les communautés chrétien­nes, les services, les mouvements. Mais ce dépouillement est souvent vécu par les prêtres comme un véritable déchirement : accep­ter que les choses se fas­sent et se vivent autre­ment que ce qui a toujours été vécu entraîne forcément certaines tensions voire des conflits entre prêtre et laïcs dans les communautés chrétiennes.

En premier lieu ce qu’on attend maintenant du prêtre c’est qu’il discerne ceux qui, parmi les laïcs qui l’entourent, sont à même de partager sa responsabilité. Cela demande donc qui soit un éveilleur, un interpellateur, un appelant qui ait discerné les compétences et qui appelle des bonnes volontés. Ensuite, ayant appelé tel ou tel laïc à prendre des responsabilités précises dans la communauté, son rôle ne sera pas terminé !

Dans son domaine propre on attend bien entendu du prêtre qu’il soit compétent, qu’il ait en particulier le sens de l’accueil et de l’écoute de tous (et pas seulement d’un petit clan qui lui serait favorable), qu’il assure l’unité et la cohé­sion entre tous les courants (et pas seulement de ceux qui partagent ses idées). Enfin il doit être homme de relations et favoriser les échanges et la création de liens au sein de sa communauté.

J’ai dit plus haut que le prêtre doit accompagner et soutenir les laïcs se met­tent en route activement. Ce qui me semble important c’est qu’il les aide à entrer dans l’esprit des orientations pastorales. En effet, une interprétation s’impose pour prendre ensemble la mesure de ce qui se vit dans une res­ponsabilité pastorale, de ce qui se modifie dans les façons de voir et de faire en Église. La relecture per­sonnelle est aussi bénéfique pour le laïc qui doit découvrir toute la dimension du service qu’il accomplit à travers sa responsabilité : je ne me suis pas engagé pour me valoriser mais pour servir la communauté. Le prêtre aide les laïcs à se renouve­ler, à donner une dimension de foi à leurs activités et leurs initia­tives. Il les aide à se construire comme disciples et apôtres. Il leur montre comment tout service de la communauté possède une dimension « diaconale ».

Pour accompagner et soutenir, le prêtre doit évidemment être très disponible. Dans cette disponibilité, il faut placer le sens de l’accueil et le sens de l’écoute gratuite, écoute attentive de tous les liens que les membres de la communauté tissent entre eux, de ce qui se met en place pour répondre aux attentes des paroissiens.

Travail prêtres laïcs

 

 

 

 

 

 

 

La compétence du prêtre est aussi d’ordre théologique car le prêtre a pour mission d’ensei­gner : homélies, prises de paroles dans les réunions, catéchèses des jeunes et des adultes. Le prêtre est l’homme de la Parole de Dieu : il doit don­ner le goût pour cette Parole de vie et de vérité, dans la simplicité et la proximité. Le prêtre est pasteur : il invite les laïcs en responsabilité à concilier l’accueil et le sérieux des demandes de sacre­ments.

Travail prêtres laïcs

 

 

 

 

 

 

 

Le prêtre est au premier chef homme de communion, d’unité, de relations, de cohésion. Avec dis­cernement, il invite aussi les membres de la communauté à se reconnaître différents et complémentaires : diffé­rence des personnalités, des enga­gements. Il montre combien la variété des opinions et des approches de la foi est une richesse. Et à travers cela, dans son ministère d’unité, il porte le souci primordial d’éviter toutes les tentations d’exclusion. Il valo­rise les charismes de chacun et les fonctions que l’Esprit répartit entre les membres de la communauté pour la construction de l’Eglise, de sorte que la communauté ne soit jamais la propriété d’une person­ne ou d’un clan. Entre les diffé­rents services, il assure un travail de coordination, de reconnaissance mutuelle, entre eux et avec lui.

Cette collaboration engage le prêtre comme les laïcs à une vie spirituelle solidement enracinée. Elle nécessite des temps et des lieux de ressourcement. Elle conduit à la nécessité d’échanges réguliers, soit d’une façon informelle soit dans le cadre de l’institution ecclésiale. Elle nécessite des temps de partage, de communica­tion, pour que chacun mette ses capaci­tés et ses compétences au service des orientations pastorales de la communauté.

R. Poinard

 


Gérer les conflits au sein d'une communauté chrétienne

Gérer les conflits humains

 

 

 

 

 

 

 

Il y a une chose absolument certaine dont il faut se persuader : quand on ne traite pas rapidement et loyalement les conflits dans une communauté, toute l’œuvre d’évangélisation se bloque et la paroisse ne tarde pas à se paralyser durablement. Il est impératif pour les responsables pastoraux d’apprendre à résoudre les conflits. Voici quelques conseils que peut donner le canoniste habitué à gérer les contentieux…

  1. Ne pas avoir peur de dévoiler tout dysfonctionnement et de le faire avec la plus grande franchise.

Quelquefois une certaine forme de « colère » est souhaitable : c’est la « sainte colère » lorsqu’elle dénonce un mal. Dans l’Ecriture Sainte nous voyons Dieu se mettre parfois en colère. Jésus s’est mis en colère. Si une discorde naît de l’orgueil et de la vanité de certains, le responsable pastoral devra parfois prendre des moyens très énergiques pour bloquer le conflit dans l’œuf. Il existe une forme d’indignation-dénonciation tout à fait justifiable, c’est celle des prophètes de l’Ancien Testament et de l’apôtre Paul.

  1. Prendre le temps de la réflexion

Devant une discorde interne il faut d’abord bien se renseigner pour savoir quelle est l’origine du conflit. Le pire est de vouloir imposer une solution trop rapidement et sans connaître parfaitement la situation (style « emplâtre sur une jambe de bois ») et qui n’arrangerait rien du tout en permettant au feu de continuer à couver sous les braises. Ce temps de réflexion est nécessaire et, pour ne pas brusquer les choses, il ne faut pas craindre de pousser la réflexion jusqu’à son terme en prenant bien tout le temps nécessaire pour y voir vraiment clair.

  1. Recueillir des éléments objectifs et prendre conseil de personnes avisées

Si la discorde s’est manifestée en public il y a eu des témoins : des personnes ont vu et entendu et savent donc ce qui s’est passé. Entendre leur témoignage peut s’avérer primordial pour comprendre le nœud du problème.
Ensuite il peut être également utile de prendre l’avis de quelques personnes avisées à condition que cela soit fait dans la discrétion et la confidentialité.

  1. Rencontrer les personnes en cause

C’est la manière la plus sûre d’aller à la source de la discorde. Obtenir que chacun puisse s’exprimer librement afin d’identifier les griefs, de lever les ambiguïtés, de rectifier les erreurs d’interprétation le cas échéant. Le pire arrive lorsque des personnes estiment ne pas avoir été écoutées et entendues.

  1. Si le conflit est public ne pas craindre de le traiter en communauté

Ce point ne concerne que les conflits connus de tout le monde. L’Ecriture Sainte nous demande de traiter publiquement des divisions publiques. Manifestement, dans une telle situation, quand tout le monde sait ce qui se passe et en parle sous le manteau, il est nécessaire que la communauté soit officiellement prévenue pour être traitée comme une personne majeure. Ceci afin d’éviter que les paroissiens ne prennent le silence de leurs responsables pour des cachotteries, de l’intrigue et du mépris.

La discorde est toujours un très mauvais témoignage. Quand une communauté a la réputation de former en clans, d’être en état de disputes permanentes, elle perd totalement sa crédibilité. Le monde se moque ou se scandalise des communautés chrétiennes au sein desquelles on se combat l’un l’autre. Des croyants y perdent la foi…

Dans tout groupe, les différences (et les divergences) sont inévitables. La paroisse parfaite n’existe pas comme il n’y a pas de famille parfaite.  Un de mes professeurs de morale nous disait : « il ne faut jamais avoir peur des conflits mais il faut avoir peur de ne pas savoir en sortir. » La gestion des conflits dans l’église doit être un souci primordial des responsables pastoraux : quand ils surviennent il faut mettre toute son énergie à les traiter. Cela demande du courage car il faut prendre position et poser des décisions qui seront parfois mal perçues même lorsqu’on les aura bien expliquées.

Notre plus beau témoignage ne réside pas dans nos belles églises, nos grands sermons ou la magnificence de notre chorale ; c’est d’abord l’amour authentique que chacun a pour l’autre au sein de la même communauté.

Ces quelques conseils sont-ils réellement efficaces ? Oui, à une condition : que les personnes concernées recherchent loyalement la vérité et le bien supérieur de la communauté. Si elles restent enfermées dans leur vanité et leur orgueil je crains que rien ne soit efficace. Ce sont les dispositions du cœur qui font tout. Les cœurs fermés ne viennent pas à la conversion.

Enfin le rôle du prêtre est essentiel : s’il est vraiment l’homme de l’unité, s’il sert avec désintéressement la communauté, s’il est enraciné dans la prière et s’il montre lui-même l’exemple d’un homme de paix et de réconciliation cela portera des fruits durables pour le bien de sa paroisse.

gestion positive des conflits

 

 

 

 

 

 

 


Mgr Robert Poinard
Aumônier général