En cette période de confinement dûe à la crise sanitaire Covid-19 un peu partout dans le monde, le Père Antoine Sondag, précédent directeur du Service national de la mission universelle, prêtre de la paroisse Saint Cyr à Villejuif, partage, après les avoir traduits, dix conseils salutaires d’une religieuse carmélite cloitrée de Cadix en Espagne.

Les ordres monastiques ont des siècles d’expérience de vie confinée.
Chaque moine ou moniale a des années ou des décennies d’expérience de vie en confinement.
Voilà ce qu’écrit un moine d’Aiguebelle (Drôme) :

Il est sûr que, du fait du choix que nous avons fait de la séparation du monde, la situation actuelle de confinement ne change pas grand-chose à nos habitudes…

Notre séparation du monde n’est certainement pas un rejet ou mépris du monde, mais il nous sert à prendre suffisamment de recul pour mieux apprécier les besoins réels de notre monde et de nous tourner vers l’Essentiel pour y répondre. Notre relation au monde est toujours bien réelle. Nous avons à l’aimer comme le Christ l’a aimé, mais notre réponse et notre action “passe par le ciel” afin que notre aide soit plus efficace et plus appropriée sans en voir véritablement les fruits. Nous sommes donc appelés à poser un acte de foi.

Notre vie est organisée de telle sorte que nous puissions vivre en un même lieu afin de nous concentrer sur l’essentiel de la vie humaine. Un lieu plus spacieux que les appartements urbains, c’est certain… Pour cela chacun d’entre nous a sa charge et ses tâches propres au service de la communauté. Ce sont nos temps de travail.

Les autres moments de la journée sont principalement occupés par la prière en commun car “Je vous le dis, si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. En effet, quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux.” (Mt 18,20).

Il y aussi de longs temps de lecture, surtout de Lectio divina (lecture de la Bible).
Le but étant toujours de faire de toutes nos activités, même nos tâches les plus banales, un moyen de chercher le Seigneur en les accomplissant avec amour afin de les remplir de Dieu…

Le climat habituel de silence, n’a pas pour but de se priver de paroles, mais surtout d’être mieux à l’écoute afin de mieux répondre aux appels du Seigneur et aux besoins de nos frères. Toutes nos activités quotidiennes deviennent ainsi des ateliers où l’on apprend à aimer en vérité, but ultime de la vie humaine.

Les 10 conseils ci-dessous ont été rédigées par une carmélite cloitrée de Cadix (Espagne).
L’original du texte se trouve ici.  
Traduction du Père Antoine Sondag.

1. JOUISSEZ DE VOTRE LIBERTE

La chose la plus fondamentale est l’attitude avec laquelle vous vivez la situation actuelle, l’interprétation que vous en faites, la conscience que ce n’est pas une défaite. Paradoxalement, cela peut être l’occasion de découvrir la liberté authentique : la liberté intérieure que personne ne peut vous prendre… Il est vrai que les autorités nous “obligent” à être chez nous. Votre liberté consiste à y adhérer volontairement, sachant que c’est pour un bien supérieur. Libre est celui qui a la capacité d’assumer la situation : vous n’êtes pas enfermé à la maison, vous avez choisi d’y rester “librement”.

2. EXPERIMENTEZ LA PAIX DE L’AME

Regardez en vous-même : votre cœur est l’espace le plus large pour vous épanouir et être heureux, vous avez besoin non d’espaces extérieurs, mais de votre propre monde intérieur pour y déambuler confortablement. Donnez de la place à la créativité, écoutez vos propres inspirations et découvrez la beauté de ce dont vous êtes capable. Peut-être n’avez-vous pas encore découvert que de la paix de l’âme naît la vie … la vie engendre un surcroît de vie, elle communique la joie et l’amour. Lorsque vous vous êtes habitué à vivre en vous-même, vous ne voulez plus sortir.

3. NE NEGLIGEZ PAS CECI : LA PAIX SE CONSTRUIT

Il y a des vertus qui nécessitent concentration et connaissance de soi, ce que nous négligeons normalement car nous sommes engagés dans mille tâches « externes ». La façon dont vous gérez vos propres émotions et pensées, vos sentiments et passions, vous fera vivre au paradis ou en enfer. Observez-vous et dominez-vous, car si vous vous laissez submerger par la peur, la tristesse ou l’apathie, vous resterez ligoté. Disciplinez votre cœur : quand une pensée vous fait du mal, rejetez-la. Essayez de vous approprier tout ce qui vous donne la paix et la joie : l’harmonie doit être recherchée et cultivée.

4. AIMEZ

Le thème crucial en ces jours sera la cohabitation ou la convivialité. Pendant le temps de la crise engendrée par la pandémie, nous devenons susceptibles et parfois irritables. Vous devrez être très patient et faire preuve de bon sens. Nous sommes divers, chacun a une sensibilité différente en raison de milliers de circonstances. Acceptez et respectez les opinions et les sentiments des autres. C’est très normal, quand on est chez soi, la tendance à vouloir tout contrôler … Essayez de ne pas le faire, ce serait la cause de nombreux conflits et frustrations. Minimisez les différences, accordez de l’importance à ce qui rapproche. Le seul territoire qui vous appartient vraiment est vous-même : vos pensées, vos paroles et vos émotions ; ne cherchez pas à contrôler le terrain, cherchez à vous contrôler vous-même. En aimant, vous obtiendrez compréhension et empathie, vous cultiverez le désir de donner et la joie de recevoir. Respectez autrui, accueillez la fragilité, dédramatisez, vivez et laissez vivre.

5. NE TUEZ PAS LE TEMPS

Rien ne pourra créer un tel sentiment de vide et d’ennui que de passer du temps inutilement. C’est un ennemi très sérieux qui peut vous voler la paix et même vous mettre en dépression. Faites un plan pour ces jours et essayez de le suivre avec discipline. Le repos et l’occupation ne sont pas contradictoires, profitez-en pour vous reposer en faisant des activités qui vous détendent ou stimulent votre bonne humeur. Consacrez votre temps aux choses simples : que l’oignon soit poché, les pois chiches tendres, le potage à feu doux. Nous avons le temps ! Bien qu’un ragoût vous prenne deux heures, prenez plaisir à le faire, mais essayez que les choses que vous faites, pour simples qu’elles soient, aient de la valeur et un objectif clair. Il ne sert à rien de perdre du temps pour perdre du temps. “Tuer le temps”, c’est tuer la vie.

6. REPOUSSEZ VOS PROPRES LIMITES

Combien de fois nous sommes-nous plaints de tout ce que nous avions négligé de faire par manque de temps ! Allez, nous l’avons maintenant ! … Ce livre qu’ils vous ont offert il y a trois Noëls et que vous n’avez pas lu, celui que vous n’avez pas encore rendu parce que vous n’avez pas encore fini de le lire. Si vous aimez la musique, cherchez de nouveaux artistes, découvrez de nouveaux genres. Envie d’un voyage ? Pensez à un pays exotique et découvrez sa culture, sa langue, ses traditions … nous avons Internet pour ça. Si vous êtes une personne de foi et de prière, vous ne savez peut-être pas avec quoi prier car vous avez déjà épuisé tout ce que vous saviez. Pourquoi ne pas essayer la liturgie des heures ? … Téléchargez-la sur votre mobile. Regardez dans les écrits d’un saint, vous trouverez sûrement beaucoup de choses qui rempliront votre âme de nouvelles lumières. Ne vous contentez pas de ce que vous savez déjà. Maintenant il y a une opportunité : ouvrez-vous à des choses nouvelles qui vous apporteront de la sagesse et vous rempliront de la joie.

7. SOYEZ SENSIBLE AUX PLUS SENSIBLES

Je dis avec beaucoup de réalisme que nous ne dominons pas nos émotions, tous à égalité. Il y aura des gens qui, à cause de leur psychologie, auront à cause de cet enfermement beaucoup plus de difficultés que d’autres. Les émotions ne viennent pas seulement de notre intériorité, mais de ce que nous voyons, entendons, touchons, etc. tout cela nous influence. Par conséquent, nous devons être sélectifs avec ce que nous recevons de l’extérieur pour éviter d’entrer dans des cercles vicieux qui nous enferment dans le désespoir ou nous font perdre le contrôle de nous-même. Évitez autant que possible : conversations pessimistes, disputes, visages renfermés, excès d’informations, films d’horreur, désordre dans votre maison. Comme il n’y a pas beaucoup d’évasions qui nous permettraient de changer notre « logiciel » interne, tout ce qui entre dans notre cerveau y restera plus longtemps que d’habitude. Aussi, nous devons faire attention à ne pas nous laisser envahir par des obsessions ou à laisser une émotion négative se nicher en nous. L’excès d’écrans est également mauvais, car il sur-stimule le cerveau et nous rend plus nerveux. Vous devez bien dormir, mais trop dormir peut provoquer un sentiment d’échec ou de défaite. La danse est un excellent remède pour canaliser l’énergie et se détendre. Mettez de la bonne musique et riez longtemps en dansant. Rien de tel que de rire pour redémarrer notre système intérieur.

8. NE VOUS SENTEZ PAS ISOLE, CAR VOUS NE L’ETES PAS

Il est important de comprendre que vous ne devez pas vous sentir seul, car vous ne l’êtes pas. L’amour et l’affection de vos proches sont toujours là, bien que la rencontre physique se soit raréfiée. C’est l’occasion de faire l’expérience d’une communication à un niveau plus profond et plus intime. Parlez à ceux qui vivent avec vous tranquillement, sans précipitation, écoutez-les jusqu’à ce qu’ils aient terminé, laissez le dialogue instaurer la confiance et les confidences construire la complicité. Dites ce que vous n’avez jamais pris le temps de dire, dites ce que vous avez toujours voulu dire, parlez de tout et de rien mais avec affection. Répondez à ce courrier de Noël auquel vous n’avez pas répondu en remerciant, à la lettre qui vous a ému et à laquelle vous tardiez à répondre, à cet e-mail d’une ancienne amitié. Recherchez les mots qui sont beaux, essayez d’exprimer vos sentiments les plus nobles … Parlez du fond du cœur et créez des liens beaucoup plus profonds avec vos proches. Vous découvrirez que la distance n’est pas l’absence.

9. PRENEZ LE TEMPS DE LA RÉFLEXION

Afin de ne pas se laisser submerger, il est utile de rechercher des moments de silence et de solitude. Dans l’organisation du temps de ces journées, prévoyez des temps d’oxygénation individuelle. Combien de personnes ai-je jamais entendu dire : “Comme j’aimerais me retirer quelques jours dans un monastère » ! Eh bien l’occasion vous est donnée, là chez vous. D’ordinaire, on se lasse de l’accélération que nous impose la vie d’aujourd’hui, comme si nous voulions sortir de la routine quotidienne sans avoir eu le temps d’assimiler ce que nous vivons. Nous nous attendons à des changements substantiels dans la société « cela ne peut pas continuer comme ça », on entend dire cela. Eh bien, nous avons cette opportunité d’entrer dans un cocon comme le petit ver qui se transforme en papillon. Réfléchir, penser, méditer … Que puis-je changer en moi pour être meilleur au sortir de ces jours ? … La séparation d’avec tout ce que nous trainons d’habitude avec nous, nous aidera à voir si nous mettons vraiment l’accent sur ce qui importe vraiment, et de nous passer du reste ! Un bon discernement pour améliorer ce qui doit l’être rendra ces journées très utiles. Des hommes et femmes renouvelés après la crise et grâce à elle !

10. PRIEZ.

Seule la prière (qui est le lien d’amitié avec Dieu) peut soutenir la vie dans toutes les situations, en particulier les plus difficiles. La prière, comme disait sainte Thérèse, “bien que je le dise à la fin, c’est le principal”. Prier, c’est s’ouvrir à cet « Autre » qui peut me soutenir quand j’ai besoin d’aide ; mais aussi quand je vais bien, prier c’est soutenir ceux qui en ont besoin. C’est l’expérience la plus universelle de l’amour. Priez, parlez à Dieu, les heures passeront sans que vous vous en rendiez compte : parlez-lui de tout, il ne se lasse pas de vous écouter, reposez-vous sur lui quand vous en avez besoin et pourquoi pas ? Laissez-le aussi se confier à vous, il est votre Père, votre Frère, votre Ami. Faites preuve de foi et de confiance. Si vous avez coupé la relation avec Dieu avec l’aube blanche de votre première communion, essayez à nouveau, maintenant il y a du temps et de la sérénité pour parler avec Lui. Peut-être que vous n’y croyez pas parce que vous n’avez pas essayé Et si vous essayez ?