JMJ Panama

Le dimanche 25 mars 2018, à l’occasion de la XXXIIIe Journée mondiale de la Jeunesse, un message du pape François avait présenté le thème retenu pour la XXXIVe session des Journées Mondiales de la Jeunesse, l’année suivante au Panama : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » (Lc 1, 38)

Il proposait alors aux jeunes d’avancer sans peur à l’exemple de Marie, rassérénée par les paroles rassurantes de l’archange Gabriel : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu » (Lc 1, 30). Il les exhortait à ne pas vivre enfermés sur eux‑mêmes et sur leur smartphone, mais au contraire à nouer avec « des personnes concrètes des relations profondes » permettant des expériences authentiques. Les forces vives de leur jeunesse devaient les pousser à rendre le monde fraternel et à vivre concrètement la charité d’un amour prévenant et disponible qui se fait service et dévouement, surtout envers les plus faibles et les plus pauvres.

Au Panama, François décline dans les quatre discours qu’il a adressés aux jeunes les choix de vie et de comportement qu’implique pour eux l’adhésion totale et confiante de Marie aux desseins du Seigneur, adhésion qui leur est donnée en modèle. Chaque discours est centré sur l’une des démarches nécessaires pour sa mise en œuvre, exprimée très efficacement par la reprise de termes essentiels qui structurent le texte et donnent à l’enseignement du pape à la fois sa clarté et sa force de conviction.


Discours d’ouverture, le jeudi 24 janvier 2019 : oser avancer pour aimer et servir.

Discours du pape JMJ Paname C’est l’obligation de l’amour (le terme revient dix-neuf fois dans le texte) et du service concret rendu au prochain que reprend le pape François dans le discours d’ouverture des Journées mondiales de la Jeunesse. Mais cet amour ne peut se manifester qu’à la condition préalable d’oser prendre le risque d’avancer pour témoigner de l’Évangile, à l’exemple de Marie qui a « osé donner sa vie au rêve du Seigneur ».

Soutenus par Pierre et par l’Église, les jeunes sont là pour renouveler en eux la foi et l’espérance qui les incitent à oser aller de l’avant avec une énergie rénovatrice, afin de réveiller la « continuelle jeunesse de l’Église », d’être eux-mêmes plus joyeux et plus disponibles, plus « témoins de l’Évangile », en marchant avec les autres à condition de les écouter, dans l’acceptation de leur complémentarité, et afin d’annoncer le Seigneur en se mettant au service de nos frères.

La présence de tous ces jeunes au Panama est pour eux le fruit et la récompense de maints et contraignants efforts, sacrifices et investissements personnels. Car la plus grande joie du disciple, c’est-à-dire de celui qui n’a pas peur de risquer et d’avancer est précisément d’être en marche : il devient ainsi artisan de la culture de la rencontre, en acceptant les différences et en refusant division et exclusion.

Car loin de chercher une uniformité stérilisante, la culture de la rencontre est « appel et invitation à oser garder vivant un rêve commun », rêve appelé Jésus dont l’amour inconditionnel pour tout être doit inciter à aimer les autres de ce même amour stimulant et concret, respectueux de la dignité et de la faiblesse d’autrui et qui lui ouvre de nouvelles perspectives et de nouvelles chances ; « c’est l’amour silencieux de la main tendue dans le service et le don de soi qui ne se vante pas. »

Cet amour dynamique est celui que l’ange a demandé à Marie qui n’a pas hésité à risquer : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole » (Lc 1, 38). Aux jeunes également est posée cette question d’un don total d’eux-mêmes qui est source d’ouvertures et de joies. Le fruit de la rencontre de ces JMJ sera d’apprendre à aimer comme le Christ nous a aimés et d’être, comme Marie, dociles à la volonté du Seigneur.

[Note : « Aimer et servir » est la seconde devise des jésuites, en espagnol « En todo amar y servir ».]


Prière du pape à la suite du Chemin de croix, le 25 janvier : d’une insensibilité coupable à l’amour qui soulage.

Chemin de Croix JMJ Panama

CR : Vatican News

S’adressant au Père, le pape rappelle que le chemin de la croix qu’a choisi de vivre Jésus est le signe de la plénitude de Son amour et de l’intensité de Son engagement envers nous. Ce chemin de souffrance et de solitude est celui de bien des jeunes et des adultes de nos jours.

Les causes en sont notre égoïsme, notre lâcheté et notre incapacité à nous émouvoir des maux de notre prochain. Avides d’une consommation mortifère, nous préférons détourner le regard de tous ceux qui souffrent, et nous taire. Au contraire, par le don total de soi, Jésus accompagne sur leur chemin tous ceux que rejette et ignore délibérément la société et le transforme en chemin de résurrection.

Le pape recense les nombreux cas actuels de mépris, de maltraitance, d’exploitation abusive des humains et des ressources naturelles, qui sont autant de chemins de croix pour ceux qui les vivent. Ce sont en particulier les jeunes privés de leur enfance et d’avenir, à la dérive car sans travail, sans repères ni idéal, les peuples autochtones dépossédés de leurs terres et réduits au silence, c’est encore « notre mère la terre » bafouée sans scrupules par la pollution et par une consommation insensée, et au cri de laquelle le monde préfère rester sourd.

Et nous, quels secours apportons-nous ? Pour nous engager sur un chemin de conversion et d’humanité, François nous propose de suivre l’exemple de Marie, « femme forte » qui est restée debout à côté de la croix, qui n’a pas détourné le regard de son Fils crucifié et qui a su « être là ». Elle est celle qui accompagne, qui réconforte, qui encourage. D’elle, nous avons à apprendre à soulager avec le même courage et la même patience toutes les formes de détresses. De Marie, apprenons encore à accueillir et à intégrer avec respect et humanité tous les déracinés. Avec elle, nous devons dénoncer une culture du mépris, de l’abus et de la violence, et soutenir toutes les initiatives individuelles qui visent à protéger, à sécuriser. Nous voulons être une Église qui sache « être là » « dans les croix de tant de christs qui marchent à nos côtés », une Église qui apprenne à accompagner avec dévouement, tendresse et miséricorde.

La prière se termine par une adresse à Dieu :
Enseigne-nous, Seigneur, à être présents au pied de la croix, au pied des croix ; réveille cette nuit nos yeux, notre cœur ; sauve-nous de la paralysie et de la confusion, de la peur et du désespoir. Apprends-nous à dire : ici, je suis avec ton Fils, avec Marie et avec tant de disciples aimés qui veulent accueillir ton Règne dans leur cœur.


Discours prononcé lors de la célébration de la Vigile, le 26 janvier : aimer sans réserves pour « embrasser la vie » et donner à chacun les moyens de le faire.

Vigile JMJ PanamaC’est à une histoire d’amour tissée avec notre vie que Jésus nous invite à adhérer, dans le concret de notre quotidien qu’il habite et auquel il est le premier à dire « oui ». Ce « oui », il l’attend aussi de nous, pour que nous portions du fruit, quels que nous soyons et où que nous soyons, à la suite de Marie dont le “Qu’il en soit ainsi” impliquait l’acceptation délibérée et confiante de l’engagement et du risque. Ce « oui » de Marie est répété au fil des générations, comme le montrent les trois témoignages produits lors d’un spectacle préalable sur l’Arbre de Vie.

Le premier est celui d’un jeune couple qui, à l’annonce que l’enfant qu’il attendait était handicapée, a dit : « Qu’il en soit ainsi » et qui a choisi à sa naissance de l’aimer de tout son cœur. Refusant un monde seulement pour les forts, il a dit « oui » au Seigneur en osant « embrasser la vie » avec sa fragilité, sa petitesse, mais pour autant non moins digne d’amour. Nous aussi, embrassons la vie comme elle vient, en accueillant tout être avec ses limites et ses imperfections, car seul, l’amour sauve et transforme. Imitons Jésus qui a embrassé malades et pécheurs, d’un amour plus grand que toutes nos faiblesses, avec lesquelles justement il veut écrire une histoire d’amour et pour lesquelles il nous embrasse toujours après nos chutes, en nous aidant à nous redresser, la véritable chute étant de rester à terre sans accepter d’être aidé.

Le second témoignage est celui d’un jeune homme « sans éducation, sans communauté, sans famille », et qui a été confronté au vide après s’être retrouvé sans travail. Le pape relève les effets dévastateurs de ces quatre manques qui privent de raisons de vivre et sont responsables de maintes dérives. Des racines fortes sont essentielles pour s’enraciner et grandir, et c’est à tous les aînés de s’interroger, avec le devoir de répondre, sur les racines, les fondements qu’ils proposent aux jeunes, au lieu de les critiquer. Lorsque font défaut l’éducation, le travail, la famille, une communauté, il est impossible de pouvoir rêver l’avenir, c’est-à-dire de donner sens à sa vie afin de la rendre utile à soi et aux autres. Si beaucoup de jeunes, actuellement, ne croient pas en Dieu et n’ont pas d’engagement dans la vie, c’est, selon la réponse d’un jeune à la question posée par un autre, parce qu’ils n’ont plus le sentiment d’exister pour quiconque, au point de se sentir invisibles et parfaitement inutiles à la société, car appelés nulle part. Ils ne peuvent, de ce fait, penser que Dieu existe. Il manque aux jeunes le sentiment de faire partie d’une communauté plus grande qui a besoin de chacun d’eux.

L’exemple de Don Bosco en est la confirmation : regardant « avec les yeux de Dieu » les centaines d’enfants et de jeunes de sa ville totalement abandonnés à eux-mêmes, il a osé « embrasser la vie comme elle se présente » et de là « créer avec eux une communauté, une famille où, avec le travail et l’étude, ils se sentent aimés. » Leur donner des racines où se fixer pour qu’ils puissent s’élever. De même, les nombreux centres d’Amérique latine appelés « la grande famille foyer du Christ » se donnent pour mission de « recevoir la vie comme elle vient dans sa totalité et sa complexité », car ils ont confiance en la vitalité de tous les jeunes qu’ils accueillent. Leur offrant un foyer chaleureux, ils leur permettent de se sentir aimés et d’oser aller de l’avant avec un but précis. Prendre en charge toutes ces vies, c’est dire  « oui » à cette histoire d’amour avec des êtres concrets dans laquelle le Seigneur se rend présent. Aux jeunes d’être les gardiens des racines, de tout ce qui nous fait sentir que, membres égaux de la famille humaine, nous sommes interdépendants.
C’est cette expérience, selon le dernier témoignage, qu’a vécue, lors des JMJ de Cracovie, la jeune fille accueillie par une communauté joyeuse et ouverte, qui lui a permis de se sentir reliée et de vivre la joie d’être rencontrée par Jésus.

La grandeur de tous ces jeunes est d’avoir compris que le monde ne deviendra meilleur que lorsque plus nombreux seront ceux qui sauront dire « oui », qui oseront envisager l’avenir et « croire en la force transformatrice de l’amour de Dieu », amour qui seul peut nous rendre plus humains. À tous de relever le défi.

Avant le temps d’adoration eucharistique qui suit la Vigile, le pape François incite les jeunes à vouloir embrasser la vie sans réserves, à découvrir la beauté de vivre, et à s’engager auprès du Seigneur à davantage partager son histoire d’amour dans le monde. Il leur demande enfin de prier pour lui, afin que lui non plus ne craigne pas d’embrasser la vie, qu’il garde ses racines et qu’il reprenne à son compte les paroles de Marie : qu’il me soit fait selon ta parole !

Homélie prononcée lors de la messe de clôture des JMJ, le 27 janvier : le perpétuel aujourd’hui de « l’heure de Dieu ».

 

Messe de Cloture JMJ Panama « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » (Lc 4, 21). Ces paroles de Jésus tirées de l’Évangile du jour orientent la réflexion du Saint-Père qui en souligne toute l’importance.

En effet, c’est en un lieu familier et devant un auditoire qui le connaît bien que Jésus inaugure sa mission publique et qu’il annonce la réalisation ici et maintenant de ce qui n’était jusqu’alors que promesse d’avenir. « Aujourd’hui » révèle « l’heure de Dieu » qui vient à nous en nous invitant à annoncer partout la Bonne Nouvelle et qui manifeste son humanité et son amour en Jésus incarné.

Cet « aujourd’hui », par lequel les habitants de Nazareth ne se sont pas sentis concernés, est intemporel, il s’adresse indéfiniment à chacun en permanence, même si nous aussi, nous avons du mal à penser que Dieu puisse se rendre aussi concrètement présent dans nos vies par l’intermédiaire de quelqu’un de notre entourage, ou qu’il nous invite à coopérer avec lui pour son royaume en nous impliquant simplement mais fortement. Car bien souvent, nous préférons un Dieu lointain qui n’exige aucun engagement de notre part à un Dieu qui prend un visage familier, qui attend de nous des actes positifs d’amour envers notre prochain. Or, Dieu n’a pas choisi de se manifester de façon spectaculaire : « Dieu est concret parce que l’amour est concret. » Gardons-nous donc, dans nos communautés, de négliger la parole de ceux que nous connaissons bien, car ce qui devait être « prophétie et annonce du Royaume de Dieu finit enchaîné et appauvri ».

Les jeunes sont confrontés au même risque d’altération lorsqu’ils pensent que le présent n’est pas leur heure et qu’ils renvoient à un avenir indéterminé la réalisation de leurs projets. Le confortable et lénifiant entre-temps artificiel dans lequel ils vivent alors et qui fait le jeu des adultes est un piège, car leurs rêves à la longue s’émoussent et n’aboutissent qu’à des « rêvasseries » terre-à-terre et tristes, par le seul fait d’avoir, pour de mauvaises raisons, retardé le moment d’œuvrer avec les autres pour l’avenir.

Le récent synode a permis l’écoute et l’échange entre les générations, et a fait prendre conscience qu’elles s’enrichissaient les unes les autres, qu’elles devaient s’efforcer de favoriser les divers lieux où il soit possible de « rêver et travailler à demain, dès aujourd’hui », ensemble. Cet espace commun reste à conquérir aussi par les jeunes. Car ils ne sont pas l’avenir, mais « l’heure de Dieu » qui les appelle maintenant à se mettre en marche là où ils vivent pour aller rechercher les personnes plus âgées, parler avec elles et « réaliser le rêve » du Seigneur pour eux. Dans ce don joyeux d’eux-mêmes à une mission, leur vie prendra un sens qui stimulera toutes leurs actions, dans les difficultés comme dans les moments heureux.

Tout manque s’il nous manque « la passion de l’amour ». Laissons-nous donc aimer par le Seigneur, d’un amour de miséricorde qui ignore l’entre-temps, et qui nous invite à la joie du don, d’un amour concret animé par l’espérance et la charité, par la solidarité et la fraternité, dénué de toute peur et désintéressé.


Ces Journées ont eu comme « musique de fond » le « Qu’il en soit ainsi » de Marie qui a osé dire « oui » pour faire advenir « l’heure du Seigneur » et qui s’est donnée à cette mission avec amour.
De même qu’à Nazareth, le Seigneur présent au milieu des jeunes à nouveau prend le livre et dit : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre ».
Que par leur « oui », les jeunes permettent à l’Esprit Saint d’offrir « une nouvelle Pentecôte au monde et à l’Église ».

 

Geneviève le Motheux