Il y a un an, Sylvain Gasser, prêtre assomptionniste, est entré dans le premier confinement comme dans une grande retraite, avec le désir de lire le Livre de Job, l’un des écrits sapientiaux de la Bible. « Ce confinement avait bien commencé, marqué par la joie de vivre des liens fraternels resserrés, l’arrivée d’un printemps ensoleillé, l’assurance que cette pandémie serait bien gérée », explique le religieux. C’était sans compter l’irruption du virus dans la communauté parisienne où il vit avec sept autres frères, transformée soudain « en hôpital de campagne ».
Atteint du Covid-19 et de « violentes céphalées », le religieux a continué de lire Job et d’écrire.« J’ai confronté ma détresse au silence de Dieu et, comme Job, je me suis réfugié dans le mutisme. Puis, poussé moins par la souffrance que par les questions que celle-ci suscite, j’ai entamé un dialogue avec Dieu », témoigne-t-il.

La plume très littéraire et musicale du religieux résonne avec la plainte d’une poésie poignante du « pauvre Job », un homme riche, qui a tout perdu – ses dix enfants, ses troupeaux, sa santé… –, Dieu ayant permis au Satan de l’éprouver tout en lui gardant la vie sauve. Les amis de Job qui viennent le voir ne lui sont d’aucun secours. Défenseurs de la théorie de la rétribution, ils ne font que culpabiliser Job et l’enfoncer un peu plus : si tu vis tous ces malheurs, c’est sûrement que tu as commis une faute grave ; sinon le Seigneur continuerait de te bénir.

C’est pourquoi lire Job en temps de pandémie est si salutaire. Il nous confronte au silence de Dieu face au mal. Nous suivons Job qui fait confiance à Dieu et puis se détourne de lui. Et enfin prend conscience de la toute-puissance de son Dieu en même temps que de sa condition de créature. Sylvain Gasser reconnaît que l’énigme du mal demeure, mais Job est revenu à Dieu. L’être humain dans les épreuves peut parvenir à l’unification de son être sans qu’il avoir obtenu pour autant les réponses à toutes ses questions.

Un ouvrage d’une actualité brûlante un an après le premier confinement.

Ed. Bayard, mars 2021, 420 pages, 21,90 €