La fête de Noël concerne un très grand nombre de nos contemporains dans le monde, qu’ils soient ou non chrétiens, et elle s’accompagne de diverses coutumes plus ou moins anciennes assez généralement respectées.

Cependant, la célébration de la Nativité du Sauveur est relativement tardive : en effet, elle ne s’est imposée que dans le courant du IVe siècle avant de devenir, depuis le Moyen Âge, un thème fréquemment traité par les sculpteurs, les maîtres-verriers, les enlumineurs et les peintres.

Dans sa lettre apostolique lue à Greccio le 1er décembre de cette année, le pape François déclare : « Représenter l’événement de la naissance de Jésus équivaut à annoncer le mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu avec simplicité et joie. La crèche, en effet, est comme un Évangile vivant, qui découle des pages de la Sainte Écriture. En contemplant la scène de Noël, nous sommes invités à nous mettre spirituellement en chemin, attirés par l’humilité de Celui qui s’est fait homme pour rencontrer chaque homme. »


Le choix du 25 décembre

Jusqu’au IVe siècle, c’est la Résurrection du Christ qui avait mobilisé toute la ferveur des croyants, sans doute du fait que sur les quatre évangélistes, trois ont été témoins directs des faits que rapportent leurs récits ou leurs épîtres qui ancraient cet événement fondateur du salut de l’humanité dans une réalité bien précise. C’est seulement à partir du deuxième siècle que les chrétiens ont été conduits à s’interroger sur la venue au monde de Jésus : « Les récits de la nativité ne sont […] pas un début, ils viennent après une réflexion sur la résurrection et l’ascension de Jésus. C’est la fin de l’histoire de Jésus qui pose la question de son commencement », écrit le jésuite Joseph Moingt, dans La Croix.

Bethléem, endroit présumé de la Nativité, dans une grotte souterraine

Or, sur ce dernier point, les sources font défaut. Les évangiles de Matthieu et de Luc, les seuls à évoquer la naissance de Jésus, n’en indiquent ni l’année ni le jour ; ils diffèrent en outre sur les circonstances dans lesquelles elle s’est déroulée : salle à l’écart ou étable, voire grotte. À ce sujet, le père Sylvain Gasser, prêtre assomptionniste, répond à la journaliste Sophie de Villeneuve, dans ce même quotidien : « Les évangiles ne sont pas écrits pour nous rapporter des faits historiques, mais pour nous faire croire que celui qui vient est le Fils du Dieu vivant, le Messie. Il s’agit de susciter en nous une adhésion. »

Cette naissance reste donc nimbée à jamais d’une grande part de mystère. Aussi a-t-elle été tout d’abord célébrée à des moments de l’année variables, en fonction de relations symboliques particulières établies par les communautés. Dans l’Occident latin, selon la tradition catholique, c’est le pape Libère qui, en 354, aurait institué la fête de la Nativité à Rome le 25 décembre, en la faisant délibérément coïncider avec la commémoration par les Romains de la double renaissance annuelle de Mithra, divinité de la lumière, et du Soleil invaincu (Dies natalis solis invicti : jour de la naissance du soleil victorieux), au moment du solstice d’hiver (25 décembre du calendrier julien) à partir duquel les jours commencent à allonger. À cette occasion était sortie d’un sanctuaire la statuette d’une divinité solaire figurant un enfant nouveau-né.

La référence à l’astre solaire renaissant permettait d’assimiler l’Enfant Jésus à la Lumière nouvelle venue pour éclairer le monde, conformément à ce qu’écrit Jean au début de son évangile : […] « En lui était la vie, Et la vie était la lumière des hommes ; La lumière brille dans les ténèbres » et aux propos rapportés de Jésus sur soi-même : « Moi qui suis la lumière, je suis venu dans le monde pour que celui qui croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. » (12, 46). Le Nouveau-Né a pu être identifié également au « Soleil de justice » qu’avait un peu plus tôt annoncé le prophète Malachie (4,2).

Cependant, ces interprétations ont une valeur purement métaphorique, car l’évocation, par Luc, de bergers qui gardent, pendant la nuit, leurs troupeaux en plein air infirmerait une naissance à la période froide.

D’autre part, ni Matthieu ni Luc ne donnent d’indication sur le moment précis de la naissance, et rien ne laisse penser qu’elle a eu lieu durant la nuit. Luc se contente d’écrire (2,7) que Marie « mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune ». Chez Matthieu, c’est par la venue des rois mages guidés par une étoile qu’est annoncée la naissance du « roi des Juifs », qu’ils trouvent avec sa mère dans une maison, on ne sait combien de temps après l’avènement. Que la tradition ait fait naître Jésus au moment du basculement de l’obscurité vers la lumière conforte donc sa manifestation comme triomphateur des ténèbres.

Si les Églises d’Orient, refusant catégoriquement toute assimilation avec des fêtes païennes, maintinrent la fête de Noël au 6 janvier, en Occident, la date du 25 décembre fut adoptée peu à peu, d’abord à Constantinople, puis successivement en Gaule, à Jérusalem et en Égypte, et elle s’est maintenue jusqu’à nos jours. Les cérémonies de la célébration de Noël furent codifiées en 425 du calendrier julien par l’empereur d’Orient Théodose ; dès le Ve siècle, le pape Grégoire le Grand instaura la tradition de la messe de minuit et, au VIe siècle, l’empereur Justinien fit du 25 décembre un jour chômé. Ainsi, en Occident, Noël finit par être célébré avec autant de solennité que Pâques, de même que l’Épiphanie, le 6 janvier, commémorant, pour l’Église latine, la venue des Rois Mages, symboles de l’universalité de la reconnaissance du Christ sauveur.


L'ère chrétienne : une erreur de calcul ?

Concernant l’année de naissance de Jésus, les indications manquent tout autant. Cependant, les références au règne d’Hérode le Grand (roi de Judée de – 37 à sa mort en – 4) donne une marge réduite entre – 9 et – 4. Même sans tenir compte de l’épisode, que l’évangéliste Matthieu est seul à lui imputer, du massacre des Innocents qui se serait situé entre – 7 et – 5, et qui n’est cautionné par aucune source écrite, alors que la cruauté dont fit preuve Hérode est par ailleurs bien attestée, les historiens sont partagés entre l’an – 8 et l’an – 6 comme le plus vraisemblables. Le recensement, qui aurait motivé le départ de Joseph et Marie pour Bethléem, prête également à caution.

                                           Sarcophage de Stilicon, IVe siècle, Milan

Ces faits non avérés que rapporte Matthieu ne doivent cependant pas semer le doute dans les esprits : même si aucun massacre d’enfants n’a été ordonné par Hérode et si donc la Sainte Famille n’a pas été contrainte de se réfugier en Égypte, ils ont pour fonction essentielle d’assimiler Jésus à Moïse, l’un et l’autre élus par Dieu pour guider pour son peuple. L’apostolat de Jésus, repris ensuite par les évangélistes, a en effet montré, par de nombreux rapprochements entre son discours et l’annonce des prophètes, que, par Lui, s’accomplissait la promesse de l’Ancien Testament : la venue d’un Roi Sauveur (Luc, 4, 17-21).

L’erreur de calcul d’un moine du VIe siècle, Denis le Petit, pour déterminer le début de l’ère chrétienne, a retardé de quelques années la venue au monde du Messie. Celui-ci serait bien mort en l’an 33 de notre ère, mais à nettement plus de trente-trois ans (nombre choisi peut-être pour sa valeur symbolique), plutôt entre trente-neuf et au moins quarante et un ans, ce qui n’est pas incompatible avec ce que disent les évangélistes Luc (3, 23) : « Quand il commença, Jésus avait environ trente ans », sans indications sur la durée de son apostolat, et Jean (8, 57) : « Les juifs lui dirent alors : ” Toi qui n’as pas encore cinquante ans, tu as vu Abraham ! “ », ce qui laisserait supposer que Jésus soit déjà engagé dans la quarantaine.

Bien que les historiens actuels situent la naissance de Jésus quelques années avant l’an 1, donc avant l’ère dite « chrétienne », celle-ci demeure, de façon inchangée, le repère de datation traditionnel, consacré par un usage pluriséculaire.


Les rituels liturgiques associés à Noël

Précédée des quatre dimanches de l’Avent, terme signifiant « avènement », la fête de Noël déborde largement de la vigile du 24 et de la journée du 25 décembre pour les catholiques. En effet, durant cette période d’attente et de préparation intérieure pour accueillir en nous dans la joie l’Enfant nouveau-né, dans les familles comme dans les églises, voire sur des lieux publics profanes, on prépare la crèche et les enfants ouvrent quotidiennement les cases d’un calendrier dit « de l’Avent ».

  • La crèche

C’est au Ve siècle qu’a été célébrée à Rome, pour la première fois, la nuit de Noël dans l’église Sainte-Marie, avec des statues de la Vierge Marie, de Joseph, de l’âne et du bœuf – animaux dont il n’est nullement fait mention dans les évangiles – figuration première et simplifiée des crèches ultérieures. La traduction latine qui nous a donné le nom « crèche » désigne d’abord une mangeoire, en référence à la précision donnée par Luc, citée un peu plus haut, avant de désigner les figurations matérielles de la Nativité.

  Greccio, fresque, XIVe siècle, peintre de l’entourage de Giotto

Saint François d’Assise est le premier à avoir fait représenter, en 1223, une crèche vivante dans une grotte à Greccio, au nord-est de Rome, où les frères mineurs avaient établi un ermitage. Si n’y était pas représenté l’Enfant divin, « pain venu du ciel » (Jean, 6,41), le prêtre célébra l’Eucharistie sur la mangeoire, des villageois tenant les rôles de Joseph et de Marie, des mages et des bergers. Selon Luc, ce sont ces derniers qui ont été les premiers avertis de la naissance du Sauveur :

Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire.”

Le lieu et la présence de ces bergers, considérés comme impurs dans l’antiquité juive, soulignent l’humilité dans laquelle Jésus a choisi de naître, dont témoigne aussi l’introduction par saint François de l’âne et du bœuf vivants, autour de la mangeoire. Le message de Jésus passe par la voix des pauvres et des déshérités, comme ne cesse de le rappeler le pape François.

Les franciscains ont généralisé cette pratique de la représentation de la Nativité, les personnes vivantes étant progressivement remplacées par des sujets en terre cuite ou en plâtre. Mais il faut attendre le XVIe siècle pour qu’apparaissent dans les églises des crèches proches de celles que nous pouvons connaître. Elles n’ont été introduites dans les foyers qu’au siècle suivant et, en France, c’est la Révolution qui, en les interdisant dans l’espace public, favorisa la diffusion des crèches domestiques. Partout, ces crèches, ou leurs représentations principalement picturales, se sont adaptées aux conditions de vie et aux coutumes régionales, ou à l’imaginaire du temps. De même que les nombreux corps de métiers ruraux qui figurent dans les crèches italiennes, les santons de Provence introduisent nombre de personnages et d’animaux représentatifs de toutes les activités quotidiennes et ressources d’un village d’autrefois, ces dernières devenant offrandes à l’Enfant Jésus ; ailleurs, ce peuvent être des hommes politiques qui prennent place auprès de la Sainte Famille ; la végétation et le climat d’un lieu influent aussi sur les signes qui les représentent. Nul souci de vérité historique donc, puisque Jésus est venu sauver tous les hommes de tous les continents, dans la suite des siècles et indépendamment de leur condition sociale. Cette appropriation par des peuples divers et cette actualisation constante sont donc parfaitement légitimes.

                                Ravenne, mosaïque VIe siècle

Cependant, en raison sans doute de leur exotisme intrinsèque, les Rois Mages (terme qui en grec signifie « sage ») apportant leurs cadeaux montés sur leurs dromadaires n’ont guère prêté à des adaptations. Ce sont en outre des personnages sur lesquels les évangiles ne fournissent aucune information : rien n’atteste qu’ils étaient rois (précision qui n’apparaît qu’au début du IIIe siècle, en référence à un passage de l’Exode et au psaume 72), qu’ils étaient seulement trois, nombre déduit tardivement et arbitrairement des trois présents (or, encens et myrrhe) mentionnés par Matthieu. Il est beaucoup plu vraisemblable qu’ils aient été accompagnés d’une suite nombreuse. Et c’est seulement au VIe siècle qu’un écrit araméen apocryphe leur attribue des noms qui ont connu quelques variantes selon les régions et au IXe siècle qu’il en est fait mention dans l’Église latine. Lorsque le pape François déclare que « Les Mages nous enseignent qu’on peut partir de très loin pour rejoindre le Christ », il englobe évidemment toutes les formes d’éloignement et porte un message d’espérance et de réconfort pour tous.

Leur origine reste tout autant mystérieuse, l’Orient d’où ils sont censés venir désignant, au temps des évangiles, tout pays à l’est de la Terre sainte : Babylonie, Perse, Syrie, Inde. Car les dons offerts peuvent provenir d’Arabie tout autant que de Syrie, et même de plus loin. La présence d’un mage provenant d’Afrique noire (Sud de l’Égypte ? actuel Soudan ? Éthiopie ?), selon une tradition nettement plus tardive mais désormais bien établie, ne semble justifiée que par le souci de représenter les trois continents longtemps seuls à être connus. Bien d’autres interprétations ont été proposés dans les premiers siècles concernant la symbolique des mages, de leur nombre et de leurs cadeaux, dont il faut retenir surtout le souci premier qui les justifiait d’attirer les païens à croire au message universel du Christ et de les intégrer dans l’Église, alors que les juifs l’avaient porté sur la croix.

                           L’Adoration des mages, Mantegna, 1495

  • Le calendrier et la couronne de l’Avent

Complémentaire de la crèche, le calendrier rythme, pour les enfants, les semaines qui précèdent la fête de Noël, afin de canaliser leur impatience et de leur enseigner les vertus de l’attente, en leur faisant appréhender le temps dans sa durée. C’est au XIXe siècle qu’apparaît en Allemagne, dans les familles protestantes, hostiles à la représentation des crèches, la tradition de donner chaque matin aux enfants une image pieuse. Par la suite, au début du XXe siècle (1908), un Allemand commercialisa les premiers calendriers ornés de petits dessins. Dans les années 1920 apparaissent les fenêtres en carton numérotées, à ouvrir successivement au fil des jours. La petite phrase qu’elles découvrent le plus souvent de nos jours constituent une « petite catéchèse » qui unit les parents et les enfants, selon une dessinatrice régulière de ces calendriers. On est loin de la subversion commerciale des calendriers de l’Avent qui prolifèrent désormais dans les magasins et sur les affiches publicitaires, dont le seul but est de provoquer un besoin et d’inciter à la consommation.

Dans les églises, la couronne de l’Avent scande également ce temps. Les quatre bougies successivement allumées chaque dimanche chassent symboliquement les ténèbres : « Je devance l’aurore et j’implore. Mes yeux devancent la fin de la nuit pour méditer sur ta promesse » (Ps. 118) et annoncent la venue du Christ. Leurs flammes nous incitent à rester dans la vigilance de l’attente, éclairés par les prophéties « qui, au long de l’histoire, illuminèrent la nuit du peuple de Dieu » et font monter vers le ciel le désir, chez les croyants, que se manifeste la Lumière du Verbe incarné.

 

 

  • Le sapin de Noël

Plusieurs peuples de l’Europe païenne honoraient un arbre au moment du solstice d’hiver, lors de la renaissance du soleil, car il symbolisait la permanence de la vie. Dans les régions germaniques et scandinaves, c’est un sapin ou un épicéa qui était vénéré à cette occasion, en raison de son feuillage persistant. Chez les Celtes, un chêne était décoré de fruits, de fleurs et de de blé.

Après avoir inutilement lutté contre cette pratique, l’Église chrétienne se l’est finalement appropriée en associant le sapin à « l’arbre de vie » du jardin d’Eden (auquel sera associée la croix). Pour saint Jean-Paul II, le sapin de Noël « exalte la vie qui ne meurt pas », « il rappelle l’Arbre de la Vie, image du Christ, don suprême de Dieu à l’humanité. » Son message est que la vie est un don « dans l’amitié et l’affection, dans l’entraide fraternelle et le pardon, dans le partage et l’écoute de l’autre. » Diverses légendes circulent, imputant à un saint le recours au sapin pour l’évangélisation des païens, en raison de sa forme triangulaire qui figure aisément la Trinité.

Dans l’Occident médiéval, l’adoption du sapin au moment de la célébration de Noël provient de la pratique des mystères, représentations sur le parvis des églises de scènes de la Bible, dont le récit du jardin d’Eden. Comme en décembre, il est impossible de trouver des pommiers couverts de fruits, on eut recours au sapin que l’on décorait de pommes (ancêtres de nos boules) et d’« oublies », oblats (offrandes du pain et du vin) apportés à l’autel au moment de l’Offertoire, ancêtres des hosties actuelles. À son faîte, on plaçait une étoile qui rappelait celle qui avait guidé les mages de Perse à Bethléem.

La présence de sapins dans l’espace public profane remonte à la fin du XVe siècle (à Strasbourg) et au début du XVIe siècle à Sélestat. Un peu plus tard, dans les régions germaniques qui avaient massivement adopté la Réforme, l’élimination de toutes les statues représentant Jésus, la Vierge, les saints et les personnages bibliques entraîna également la suppression des crèches. C’est alors le sapin qui fut associé aux festivités de Noël.

En France, après deux tentatives sans suite d’introduction du sapin, émanant de la reine polonaise Marie Leszczynska, au XVIIIe siècle puis, au siècle suivant, de la belle-fille allemande du roi Louis-Philippe, la duchesse Hélène Louise de Mecklembourg-Schwerin, c’est à la suite de la guerre contre la Prusse que la coutume du sapin fut définitivement introduite par les Alsaciens. En effet, ceux qui avaient refusé de devenir allemands, en raison de l’annexion de l’Alsace, s’étaient réfugiés à Paris et on leur doit l’introduction de la coutume germanique qui s’est rapidement répandue dans de nombreux foyers de France. Depuis lors, le sapin est, dans bien des pays, indissociable de la période de Noël ; en témoigne notamment celui qui est dressé chaque année sur la place Saint-Pierre, au Vatican, et dans bien d’autres endroits.

Arbre de vie, ou élément de décor abondamment pourvu de guirlandes et de figurines suspendues, le sapin de Noël fait l’unanimité, indépendamment des convictions religieuses, des nationalités et des âges, et c’est à ses pieds que sont déposés les cadeaux, le 24 décembre.

  • Les cadeaux

Déjà, dans la Rome antique, la fête des Saturnales, du 17 au 24 décembre, qui précédait celle du Soleil invaincu instaurée à la fin du IIIe siècle, donnait lieu à des réjouissances et à l’échange de petits cadeaux, principalement des sucreries (miel, dattes…) ou des pièces de monnaie. La fête chrétienne qui s’est substituée à ces célébrations païennes en a repris, comme le plus souvent, les traditions, d’autant que les Rois Mages, eux aussi, passent pour s’être présentés devant l’Enfant divin avec des présents.

C’est sans doute la fusion de ces deux traditions qui est à l’origine des cadeaux donnés et reçus à tout âge, à l’occasion de Noël. Au fil des siècles, ils ont été de nature et d’importance variables, en accord avec les conditions de vie et les ressources des donateurs.

Au Moyen Âge, le repas de fête de Noël donnait parfois lieu à l’échange avec l’entourage de quelques modestes présents, essentiellement alimentaires (les disettes n’étaient pas rares). À partir du XVIIe siècle a commencé à se répandre la coutume de faire de petits cadeaux aux enfants, principalement dans les familles nobles ou princières. Mais c’est vers la fin du XIXe siècle que la bourgeoisie fait entrer cette pratique dans les mœurs.

À l’occasion de la nuit de Noël 2006, Benoît XVI rappelle le sens premier des cadeaux échangés le jour de la Nativité : « Noël est devenu la fête des dons, pour imiter Dieu qui s’est donné lui-même à nous. Parmi les nombreux dons que nous achetons et que nous recevons, n’oublions pas le vrai don: de nous donner les uns aux autres quelque chose de nous-mêmes. »

C’est à d’autres dates qu’il peut être procédé à l’échange des cadeaux : dans le nord et l’est de l’Europe, et particulièrement de la France, c’est le 6 décembre, jour de la Saint-Nicolas, et à cette occasion sont confectionnés, en outre, divers petits gâteaux dont certains, en pain d’épices, représentent le saint. Mais en Espagne et en Italie, il attendre la fête de l’Épiphanie, le 6 janvier, de même chez les orthodoxes.

Quant au père Noël, avatar tardif et purement commercial de saint Nicolas, « inventé » aux États-Unis dans le courant du XIXe siècle, il peut être apparenté à un personnage de la mythologie germanique, qui était représenté comme un vieil homme à la barbe blanche, vêtu de rouge et conduisant un traîneau tiré par des rennes. Une autre source possible serait Gargan, fils du dieu solaire celtique Beltaine. On voit donc que ce personnage est totalement étranger à Noël, au point que, le 23 décembre 1951, son effigie fut brûlée publiquement devant la cathédrale de Dijon, au motif qu’il était une « réminiscence de cérémonies païennes ». Il s’agissait pour l’évêque de rappeler que Noël est avant tout une fête chrétienne.

  • Le réveillon

Des siècles durant, il s’est imposé en raison des prescriptions religieuses du temps de l’Avent, qui imposaient que la messe de minuit soit précédée d’un repas « maigre ». Et au XXe siècle, jusqu’au concile Vatican II, il fallait être à jeun depuis au moins trois heures pour recevoir la communion, ce qui impliquait un dîner léger et assez tôt dans la soirée.

Si bien qu’un vrai repas beaucoup plus consistant et « gras » s’imposait, vers deux et trois heures du matin, après la longueur des offices, le froid et les fatigues éventuelles d’un trajet entre l’église et le domicile. C’est l’origine du réveillon (pour « réveiller » c’est-à-dire restaurer les forces), au cours duquel on servait des plats consistants, nombreux, selon les ressources locales et familiales, souvent du cochon tué la veille pour l’occasion, dans les campagnes. Pour s’en faire une idée, on peut relire le début du conte « Les trois Messes basses », d’Alphonse Daudet, dans les Lettres de mon Moulin.
Actuellement, la perte de fréquentation des églises et le matérialisme ambiant ont vidé le réveillon de son sens : pour les catholiques qui assistent à la messe à cette occasion, souvent beaucoup plus tôt dans la soirée, les prescriptions rigoureuses ne sont plus de mise et l’office (une seule messe) est nettement moins long. Survivance d’une pratique ancienne et désormais sans fondement, le réveillon est devenu surtout un moment festif de rassemblement familial.


Le temps de l’Avent avec la fête de la Nativité qui en est l’achèvement joyeux est donc un moment essentiel de l’année liturgique, prémices du projet de salut de Dieu pour notre humanité. Ce n’est pas le jour anniversaire ni les conditions de la naissance du Sauveur, sur laquelle nous ne savons rien, que nous célébrons. C’est l’incarnation mystérieuse du Fils de Dieu, dans la fragilité d’un enfant, dans l’humilité de la condition qu’il a choisi d’assumer.

Les divers éléments de merveilleux dont les évangélistes ont enrichi leur récit, dans le seul but de montrer que cette naissance réalisait la promesse de l’Ancien Testament et que l’Enfant Jésus était vraiment le Fils de Dieu, ne sont donc pas un obstacle à la foi, pas plus que les données historiques sujettes à caution. Car les manifestations ultérieures du Père le signalant comme son Fils bien-aimé, les miracles et guérisons que celui-ci a accomplis durant sa vie publique, sa résurrection et enfin les pouvoirs de guérisseurs et d’exorcistes qu’il a conférés à ses apôtres sont la confirmation de cette filiation divine.

Bien plus que tous les autres rituels, la crèche est le point central de toute la période de l’Avent et de la nuit de Noël : « Elle nous invite à nous sentir impliqués dans l’histoire du salut, contemporains de l’événement qui est vivant et actuel dans les contextes historiques et culturels les plus variés, précise le pape François, dans sa récente Lettre apostolique “Admirabile signum”. Elle est donc, implicitement, un appel à le suivre sur le chemin de l’humilité, de la pauvreté, du dépouillement, qui, de la mangeoire de Bethléem conduit à la croix. C’est un appel à le rencontrer et à le servir avec miséricorde dans les frères et sœurs les plus nécessiteux (cf. Mt 25, 31 – 46). 

[…] Dès l’enfance et ensuite à chaque âge de la vie, elle nous apprend à contempler Jésus, à ressentir l’amour de Dieu pour nous, à vivre et à croire que Dieu est avec nous et que nous sommes avec lui, tous fils et frères grâce à cet Enfant qui est Fils de Dieu et de la Vierge Marie ; et à éprouver en cela le bonheur. À l’école de saint François, ouvrons notre cœur à cette grâce simple et laissons surgir de l’émerveillement une humble prière : notre “merci” à Dieu qui a voulu tout partager avec nous afin de ne jamais nous laisser seuls. »

ANNEXES :
Le sens du temps de l’Avent
Fêter Noël
Avent : qu’attendons-nous ?
Lettre apostolique du Pape François : Admirabile signum 

Bonus : Film ” Irénée de Lyon, artisan de paix et d’unité “.

Geneviève Le Motheux