Alertes :
Les évêques d’Espagne viennent de publier un communiqué dans lequel ils alertent les catholiques au sujet de la pratique des techniques de méditation visant à augmenter les performances face au monde soumis à l’obligation de résultat. Si pratiquer zen, yoga et d’autres fait partie de l’hygiène de vie de beaucoup, c’est parce que cela répond au besoin du monde moderne où l’on cherche l’antidote au stress provoqué par la vie trépidante de nos sociétés. Le bonheur est compris alors comme le bien-être personnel et le recours aux techniques de méditation (toutes d’inspiration orientale) a pour but de faire augmenter les performances personnelles.
Jusque là on ne peut être que d’accord du point de vue chrétien, car en effet c’est en ceci que le christianisme contemporain semble présenter une lacune qui apparaît aujourd’hui comme obstacle majeur aux intérêts des croyants qui cherchent à se retrouver dans le monde qui les entoure. Cette lacune c’est le manque d’intérêt institutionnel (en tant que praxis) pour la méditation dans les cadres religieux. Méditation qui est à envisager de façon populaire, pour tout le monde, comme elle l’est seulement pour les moines et quelques initiés dans certains centres de retraites spirituelles qui prennent en compte le corps. Ne trouvant pas ce qu’ils cherchent à l’intérieur, beaucoup des chrétiens se tournent alors vers l’extérieur. Et ce n’est pas seulement la question de la bonne communication.
Mais, plus grave, c’est aussi un marqueur de la sortie de la religion qui ne répond plus aux aspirations humaines tout court. Et ce sur quoi pointent le doigt les évêques espagnols, c’est que ces techniques, au lieu d’être un soutien à la vie chrétienne par la présence d’un fidèle qui permet à Dieu d’unifier sa vie grâce à de tels efforts personnels, font dévier l’homme de sa relation avec Dieu. Les catholiques qui pratiquent de telles techniques s’exposent alors au danger de voir s’éroder leur relation d’amour avec le Christ face auquel et en présence duquel ils sont censés se trouver.
La religion chrétienne suppose une ouverture à un plus grand que soi avec lequel le croyant entre en relation interpersonnelle et le recours à des techniques de méditation tout en augmentant la capacité de présence (plus que de concentration) ne sont qu’un soutien à une telle belle relation de confiance.
Discernement :
Ça c’est pour la théorie selon laquelle le christianisme peut intégrer les techniques de soutien d’une telle relation interpersonnelle. Personnellement, je peux donc recourir à de telles techniques, mais sans oublier le but dans lequel je les applique : en faisant le vide en moi et cherchant à unifier ma vie sous tous ces aspects pour être plus à l’écoute d’un Dieu qui m’accompagne dans ma vie. Ou alors je les applique purement et simplement uniquement pour augmenter mes performances personnelles au profit de mes intérêts, y compris ceux de mes générosités.
Si cette seconde tendance se confirme dans le monde contemporain, c’est une preuve de la résurgence de la gnose, cette hérésie (produit purement chrétien, identifié par st Irénée de Lyon dès le deuxième siècle) qui ne voit le salut de l’homme que par l’homme lui-même, uniquement, exclusivement, définitivement.
Le défi de la foi chrétienne est là et là sont aussi les clefs pour se retrouver dans le monde contemporain et envisager le monde de demain.
Au bon entendeur, le salut.
12 septembre 2019
P. Rémy Kurowsky (s.a.c.), Aumônier de la CCF de Hong Kong.