Samedi 18 septembre, la journée pastorale des CCFM a réuni, par Zoom, une quarantaine de participants qui se sont connectés dans le monde entier autour de la CCF de Munich épaulée par l’équipe parisienne.

 

Les ateliers virtuels, par petits groupes, ont permis d’échanger sur les différentes façons dont les CCF ont pu vivre ces temps de pandémie : comment ont pu être vécus les sacrements malgré les restrictions, quelles solidarités ont pu se vivre entre les CCF ?

Le théologien Arnaud Join-Lambert  a parlé des défis de l’Église dans l’Europe sécularisée post-covid. Monseigneur Eric de Moulins-Beaufort,  archevêque de Reims et président de la CEF, a montré son souci des communautés catholiques francophones dans le monde en leur présentant les préoccupations actuelles de l’Église de France.

Hervé Masurel, aumônier général des CCFM et Christine Naline, secrétaire générale adjointe de la CEF et secrétaire de la Commission épiscopale pour la mission universelle de l’Église, ont participé à la Visio de la journée pastorale. Ils nous disent  leurs impressions. Voici leur synthèse à chacun.


Hervé Masurel

Les éléments négatifs

C’est d’abord des communautés réduites. Elles se sont réduites pour des causes très directement liées à la pandémie : familles qui n’ont pas pu revenir, étudiants qui n’ont pas repris leurs études, travailleurs étrangers qui se sont retrouvés sans emploi. Le confinement lui-même a eu pour conséquence de distendre les communautés. Beaucoup se sont éloignés. Certains, pour reprendre une expression énoncée ce matin, se sont habitués à une foi sans église

Le deuxième élément négatif qui a été relevé c’est une hiérarchie trop absente. Quand on dit hiérarchie, c’est essentiellement les évêques. Vous avez regretté une insuffisance d’échanges sur la situation et la manière de l’appréhender dans une période où chacun se sent isolé.

Le troisième élément négatif c’est une relégation du cultuel, de la religion par les autorités politiques dans le non essentiel. Dans un contexte souvent marqué par la déchristianisation, le fait pour les croyants d’appartenir à une minorité a été ressenti encore plus fortement.
Enfin parmi les éléments négatifs la parole d’Eglise a parfois été jugée déconnectée du contexte vécu par les chrétiens ou par la population en général.

Les éléments positifs

 Ce qui a d’abord été relevé, c’est l’intensité du désir d’Eucharistie et de communauté. Le manque a fait ressentir combien l’Eucharistie répond pour beaucoup  à un besoin et que pour la vivre pleinement la communauté est essentielle. Par-delà l’Eucharistie, le besoin de se retrouver ensemble, entre chrétiens a également été fortement ressenti et répond à une nécessité de la vie spirituelle.

Le deuxième point plus prosaïque, c’est la découverte de ce que permettent les nouvelles technologies. Même si certaines communautés, notamment celles que vous représentez aujourd’hui parce que la moyenne d’âge y est moins élevée, les  connaissaient déjà, il y a eu un recours beaucoup plus systématique à ces nouvelles technologies.

Troisième élément positif, l’émergence de fraternités de proximité. Ce peut être en famille naturellement mais c’est parfois difficile en raison de différences d’approches par rapport à la foi. D’autres modèles de fraternité ont émergé : le renouveau des prières en communauté, des neuvaines, les chapelets… Ces initiatives ont manifesté le besoin de se retrouver, même à distance, pour prier. Il y a là quelque chose d’essentiel que l’on avait peut-être perdu de vue.

A également été mis à l’actif de cette période une attention renforcée vers les personnes en difficulté, âgées ou malades, contraintes de rester chez elles et sans visite possible. A été retrouvée et vécue la préoccupation de prendre soin de son frère. Corrélativement à ce souci de l’autre, on a aussi noté un renforcement de la générosité face à l’émergence de situations de détresse et une générosité imaginative pour trouver de nouvelles solutions dans le contexte propre à chaque communauté.

Les questions et les suggestions

Faut-il ou non maintenir la diffusion des messes sur internet sur les réseaux sociaux ?   Les supprimer c’est inciter à revenir à une pratique « physique » mais il y a ceux qui de toute façon ne reviendront pas ou qui ne le pourront pas en raison de leur état de santé ou pour d’autres raisons. A ceux-là, ne faut-il  pas continuer à proposer autre chose ?

D’autres questions qui ont été posées sur le sacrement de réconciliation. Faut-il imaginer d’autres modalités pour le délivrer, par exemple par téléphone ou en visio, en fonction des circonstances ? Une position de l’Eglise est attendue sur cette question. Plus généralement cette période nous a confrontés à l’enjeu de faire vivre des communautés à distance avec des rencontres physiques plus espacées. La communauté suppose une rencontre physique  Il n’y en a pas moins d’autres manières complémentaires, je dis bien complémentaire, de de faire vivre nos communautés
Enfin, question corrélative, ces fraternités de proximité, qui sont en quelque sorte  un retour aux sources, un retour à l’église primitive, ne sont-elles pas aussi l’avenir de l’Eglise ? Comment les faire vivre dans l’unité ecclésiale en évitant  le fractionnement et ayant des fraternités qui se soutiennent les unes les autres.


Christine Naline

Trois mots issus du chemin synodal proposé par le Pape François : communion, participation et mission me semblent importants :

Communion. Je reprends le mot d’introduction du Père Grosstephan qui nous a rappelé l’étymologie du mot paroisse : une maison en terre étrangère. Tout chrétien est ouvert à une dimension d’universalité et de transcendance et en même temps nous nous retrouvons dans la paroisse, ce havre de paix pour partager notre culture et notre singularité dans cette communion d’amour. Le cardinal Marx nous a dit que dans nos sociétés plurielles, nos paroisses francophones  sont un signe de la pluralité de l’Eglise : l’Afrique, la Belgique, le Canada, la Suisse, la France… Nous avons tous mesuré pendant la pandémie l’importance de se rencontrer, de se voir et ainsi de faire communauté.  « Cette communauté plurielle est un signe à donner », a-t-il ajouté. Vous avez un grand travail, nous avons un grand travail, pour vivre cette diversité et en être signe. C’est la responsabilité de chaque baptisé, de nos communautés.

Monsieur Arnaud Join-Lambert a relevé que ce qui avait été terrible, moi j’ajoute violent, pour l’Eglise c’est d’être considérée comme non essentielle. Dit autrement, la communauté qui se retrouve pour célébrer l’Eucharistie, vivre la communion être en relation – nous sommes des êtres en relation et être en relation les uns et les autres – serait non essentiel. Alors il a fallu être créatif en fonction des contextes locaux, mobiliser les moyens visio et autres moyens pour vivre cette communion essentielle : Difficile à entendre que l’on est non essentiel ! Je me suis dit : « c’est peut-être une chance si cela nous a provoqués. La démarche synodale nous invite à découvrir comment la synodalité est un évènement de communion. »

Participation.  J’ai entendu le constat d’une baisse de la participation des paroissiens. J’ai entendu aussi et en même temps les initiatives prises pour susciter de la participation tant sur le plan catéchétique, caritatif, spirituel. Monsieur Join-Lambert a souligné que ce qui a manqué c’est aussi un manque de responsabilisation des laïcs. Cette participation a de l’avenir. Ce qui m’a notamment marqué c’est l’invitation à prendre soin des membres de la communauté. C’est essentiel parce que c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres qu’ils reconnaîtront que vous êtes mes disciples (Jean 13, 35). La démarche synodale nous invite à découvrir la solidarité comme un système dynamique avec la participation de tout le peuple de Dieu.

Mission. La synodalité, c’est ce « marcher ensemble » qui permet à l’Eglise d’annoncer l’Évangile. J’ai relevé la demande de se retrouver régulièrement, de se sentir moins seul, de marcher ensemble toujours dans l’idée de permettre à l’Église d’annoncer l’Évangile. Vivre un processus ecclésial nous impliquant tous, voilà qui offre à chacun, en particulier à ceux qui, pour diverses raisons, se trouvent marginalisés, l’opportunité de s’exprimer et d’être écoutés pour contribuer à l’édification du peuple de Dieu. Je pense aux témoignages sur les actions caritatives à Zurich, c’est ça la mission. Bien sûr se retrouver, avoir la joie de refaire communauté en présentiel est essentiel. Mais nous sommes une Eglise en sortie, une Eglise missionnaire aux portes ouvertes.

J’ai aussi entendu les questions autour de la fraternité, fraternité qui se vit différemment avec vos églises locales. Toutes les églises sont invitées à vivre ce chemin synodal, c’est une opportunité à saisir. Chacun est invité à ECOUTER, à se laisser déplacer par la rencontre et l’échange pour entrer en relation, pour partager les joies, les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes et des femmes (Gaudium et Spes). Approfondir les relations entre les personnes, mais aussi avec les autres Eglises et les communautés chrétiennes orthodoxes et protestantes auxquelles nous sommes unis par l’unique baptême.

L’Eglise synodale est un signe prophétique : notre marche ensemble est de fait ce qui manifeste le plus la nature de l’Eglise, peuple de Dieu pèlerin et missionnaire. Mgr Eric de Moulins-Beaufort, nous a appelés à inventer une autre vie chrétienne où la fraternité est très importante, où l’on a besoin d’être stimulé pour vivre ensemble une église missionnaire, une église fraternelle.  Comment ce “marcher ensemble” permet-il à l’Église d’annoncer l’Évangile conformément à la mission qui lui est confiée ? Notre marche ensemble est ce qui doit manifeste le plus la nature de l’Eglise comme peuple de Dieu pèlerin et missionnaire. Quel pas de plus l’Esprit Saint vous invite-t-il à poser pour grandir comme Eglise synodale ? Le pape François nous répète sans cesse que  le chemin de la solidarité est précisément celui  que Dieu attend de l’Eglise du 3e millénaire.

Je vous souhaite donc un bon chemin synodal à tous et vous remercie infiniment pour vos engagements, votre mission et votre rayonnement de l’Évangile.