Voilà une jeune communauté, lancée par une jeune volontaire chez les eudistes de Bogotà… Les membres d’aujourd’hui savent-ils qu’il y avait eu déjà eu une communauté à la fin des années 90 ?

Lisons le récit d’un des membres fondateurs de cette petite communauté et de leur expérience dans la capitale colombienne.


Témoignage

Nous sommes arrivés à Bogotá en famille en septembre 1994. A notre arrivée, la communauté catholique française et francophone était peu nombreuse, et à ce moment-là,  il n’y avait plus de messe en français déjà depuis un certain temps, malgré la présence permanente de familles catholiques d’origine française établies depuis plusieurs générations en Colombie et pour la plupart devenues franco-colombiennes par le biais de mariages mixtes en raison de leur intégration permanente en Colombie. Mais il y avait tout de même une vraie demande dans cette petite communauté pour rétablir une messe en français. Fin 1994,  grâce aux efforts de certains catholiques français, de parents d’élèves du lycée français, il a été possible avec l’accord des autorités du Diocèse de Bogota, d’organiser quelques messes en français, dans un premier temps à la chapelle du Grand Séminaire, avec un prêtre colombien francophone. Cela n’a pas été facile à l’époque, et nous avions plusieurs fois trouvé le samedi la porte du Séminaire close et sans prêtre ! La messe n’a pas pu être célébrée ces jours-là.

Fuente de Oro 2 PADRE SERGIO FILIP GEORGHE SEGUINEt puis, la Providence nous a fait rencontrer un jeune prêtre breton du diocèse de Fougères, le Père Serge Seguin  qui avait, au premier semestre 1995, réussi à obtenir de son Evêque la permission de partir en mission en Colombie pour y créer un Valdocco[1] (sur le modèle de celui de Fougères qu’il avait créée auparavant). Il faut dire que le projet de Serge était assez incroyable car il avait convaincu les autorités religieuses (les pères salésiens) et civiles colombiennes de l’autoriser à s’installer à Fuente de Oro, petite ville dans le département de la Meta, à 120 kms au sud de Bogota, pour y créer un foyer d’accueil et un internat pour les enfants de paysans de la région scolarisés à Fuente de Oro, parfois à plusieurs jours de marche de leurs villages d’origine.  Tout cela dans une des zones contrôlées par les FARC, la guérilla la plus puissante de Colombie, en conflit armé avec la Nation depuis près d’une trentaine d’années !!   L’Ambassade de France se devant d’assurer la sécurité des ressortissants français en Colombie, il est facile d’imaginer la réaction de certains des membres des services consulaires lorsqu’ils ont appris le projet du Père Serge… Toujours est-il qu’on lui a alors proposé de venir très régulièrement rencontrer la communauté catholique francophone, si possible au moins une fois par mois, lorsqu’il devait se rendre à Bogota pour faire la liaison avec les autorités consulaires françaises et les Pères Salésiens et se procurer une partie des matériaux et des denrées et outils dont il avait besoin pour mener à bien son projet du Valdocco de Fuente de Oro.

L’idée d’inviter la communauté à se réunir autour de lui pour célébrer au moins une fois par mois la messe en français lors de ses visites à Bogotá a immédiatement séduit tout le monde et notre famille dans un premier temps s’est proposée pour l’accueillir régulièrement à Bogotá lors de ses visites pour faciliter la préparation des messes en français et assurer la coordination au sein de la communauté. Très rapidement courant 1995, il a fallu aussi trouver un endroit plus pratique que le Grand Séminaire pour héberger la messe en français le samedi soir. Celui-ci étant fermé en principe les week-ends, nous avons souvent dû héberger la communauté dans notre propre appartement de Bogotá pour que soit célébrée la messe en français….

C’est ainsi que nous avons été accueillis très gentiment par les Petites Sœurs des Pauvres dans leur couvent de Santa Fé de Bogotá et la communauté francophone a trouvé auprès d’elles un lieu chaleureux et très pratique pour se réunir et célébrer la messe en français.

De fin 1995 jusqu’à l’été 1998, la communauté catholique francophone a continué à se réunir avec le Père Serge Seguin jusqu’à son départ de Colombie en juin 1998. Le Père Serge a été ensuite nommé vicaire à Guerche de Bretagne. Il est décédé tragiquement à Dinan en décembre 1998.

Nous avons quitté nous-même Bogotá fin 1997. La disparition de Serge Seguin nous a tous profondément affectés et nous ne savons pas comment la communauté catholique francophone de Bogotá s’est organisée ensuite, ni quelles furent les familles qui avaient pris le relais pour coordonner les messes en français et l’aumônerie francophone.

Yves Cerf-Mayer

[1] Le Valdocco est une association créé à l’initiative du p. Jean-Marie Petitclerc pour offrir de nombreuses activités autour d’un même objectif : prévenir la marginalisation potentielle des jeunes de quartiers difficiles.


Appel

Lorsque Aude arrive en VIE chez les Eudistes en  août 2015, il n’y a plus de messe en français dans la capitale colombienne.

Ecoutons le témoignage d’Aude :

Bogota volontaires DCC“On peut dire que  cette messe en français est un vrai coup de la Providence !
Fraîchement arrivée à Bogotá pour mon VIE (Volontariat International Eudiste) avec la DCC (Délégation Catholique pour la Coopération), j’ai rencontré Caroline, une amie d’amis des eudistes en France. Caroline est une jeune maman de deux enfants qui se demandait alors comment faire pour que, ses enfants qui ne comprennent pas l’espagnol puissent suivre une catéchèse et, en cohérence aller à une messe où ils “comprennent”. Au cours de notre discussion, je découvre que sa préoccupation est finalement celle de plusieurs familles car aujourd’hui il n’y a pas de messe en français à Bogota. Certes, il existe une communauté qui se retrouve une fois par mois pour une messe en espagnol, et ensuite partager un pique-nique. Mais j’entends bien que “la messe en français ce serait génial” !

J’apprends ensuite qu’une catéchèse en français a pu prendre forme grâce à trois mamans qui ont eu l’audace et le courage d’aller de l’avant. Elles construisent leur parcours à l’aide d’internet et des documents qu’elles ont apportés de France mais avouent que même si elles ont déjà fait de la catéchèse avant, elles aimeraient bien pouvoir être coachées de temps en temps par un prêtre, proposer le sacrement de réconciliation, se confesser soi-même… et puis la question se pose de “la première communion des enfants qui ont quitté la France trop jeunes pour la recevoir et pour qui le désir vient, même en temps d’expatriation, parce qu’ils grandissent dans des familles où c’est important” … “comment leur permettre de vivre cette étape alors qu’ils ne comprennent rien à la messe en espagnol ?”, “comment rejoindre les familles françaises qui ne vont plus à la messe le temps de l’expatriation sous prétexte du barrage de la langue ?”. Peut-être que dans les couples franco-colombiens de plus en plus nombreux, certains aimeraient se préparer au mariage en français ?
Entendant tout cela : l’appel et même le désir d’une communauté, de vraies questions pastorales, un souci d’évangélisation, j’ai spontanément pensé aux eudistes près de qui je suis venue en mission ! Après tout, la Congrégation est d’origine française.  Je sais que, parmi les pères de la Province du Minuto comme ceux de la Province de Colombie, plusieurs parlent français. Répondre à un tel appel en commençant par célébrer la messe en français une fois par mois, ce n’est pas si lourd et c’est même très eudiste. Deux ou trois échanges de mails plus tard et me voilà bien « trait d’union »… et c’est parti !


Lancement

Valmaria, au Coeur des quartiers où vivent les expatriés français, devient rapidement le lieu idéal pour la célébration. P. Carlos Torrez, comme Supérieur du séminaire, autorise même le pique-nique post-eucharistie dans le jardin !Bogota séminaire eudiste

La première est alors fixée pour démarrer l’année liturgique, au premier dimanche de l’Avent 2015. Grâce au réseau Whatsapp la nouvelle se répand à vitesse grand V dans le milieu francophone de Bogotá, une réunion de préparation de messe est lancée chez les uns, puis une répétition des chants chez les autres. Père Jules Amagnon qui, providentiellement accompagne précisément cette année le TEPE à Valmaria et pour qui le français ne pose aucun problème devient rapidement l’eudiste désigné pour présider et prêcher. Les séminaristes français et africains en attente du lancement du TEPE semblent heureux de donner leur contribution aussi.
Ces messes sont des messes qui prennent leur temps. Les enfants, très nombreux, y ont toute leur place, sur les bancs de devant, et les catéchistes se creusent vraiment la tête pour qu’à chaque célébration, les plus jeunes puissent apporter leur contribution lors de la procession des offrandes. Pas d’aube pour eux ? Ce n’est pas grave les jeunes garçons peuvent quand même apprendre à servir sous l’égide des séminaristes et la bienveillance des pères. Une famille colombienne qui a participé à l’une de nos célébrations m’a dit “c’est formidable la place que vous laissez aux enfants et tout ce que vous leur faites faire pendant la messe” ! Alors que je regarde beaucoup les pratiques colombiennes en cette période de volontariat en Colombie, cela m’a fait rire de voir que des colombiens pouvaient aussi apprendre de nos pratiques françaises, dans leur propre pays !

Première messe

Bogota famille au cours de la messeAu jour de la première messe, P. Jules me demande combien d’hosties préparer et je lui réponds selon l’estimation qui m’a été donnée “On m’a parlé d’une vingtaine de famille au maximum ; donc une cinquantaine d’hosties devraient largement suffire”…. Autant vous dire notre surprise lorsque nous nous sommes rendus compte que c’est finalement le double qui a été nécessaire ! Et chaque fois les familles reviennent.

Le pique- nique qui se prolonge par les jeux des enfants ou le foot avec les papas et les séminaristes.

Ma joie comme associée, c’est de voir comme les eudistes ont vraiment accepté rapidement l’idée de cette messe et l’accompagnent au plus près. A chaque célébration c’est vraiment un visage de la communauté eudiste qui est présenté puisque P. Jules est toujours accompagné soit de P. Alvaro Torres, soit de P. Gustavo Londono. Cela signifie bien que “Eudistes” est un nom et une réalité qui s’écrit et se vit au pluriel, en communauté. La prochaine messe, sera présidée par P. Laurent Tournier, provincial de France venu donner un cours au TEPE. Et nous accueillerons même P. Luc Lalire, spécialiste de l’Amérique Latine auprès de la Conférence des Evêques de France et qui a été l’un de mes formateurs lors de la préparation au départ en VIE avec la DCC (Délégation pour la Coopération Catholique). Il a entendu parler de cette messe et souhaite voir ce que c’est !

Ma joie comme associée c’est de relire l’histoire de cette messe et d’y voir tant de fluidité que cela ne peut qu’être le reflet d’une obéissance à la volonté de Dieu.

Ma joie, comme associée et comme employée à la Pastorale de Saint Jean Hulst, l’établissement eudiste de Versailles, c’est de rencontrer ici à Bogotá un certain nombre d’anciens élèves ou de parents d’élèves et de savoir que je peux servir de trait d’union pour leur permettre de croiser de nouveau la route des eudistes.

Bogota Prêtres et servants de messeMa joie comme associée c’est de voir dans cette aventure une forme d’interprovincialité naturellement en acte ! Une communauté française et une associée de la Province de France sensible à la question de la pratique des 18-45 ans, un prêtre eudiste de la Province d’Afrique et les séminaristes de France et d’Afrique en attente du TEPE, des célébrations dans la chapelle du séminaire de la Province de Colombie et accompagnée par les pères de cette Province. Sans la Province de Colombie, son accueil si fraternel et tous les services qu’elle nous rend cette messe ne serait pas ce qu’elle est. Et en même temps, cette messe n’est d’aucune province et de plusieurs à la fois ! Dans la Province du Minuto de Dios, mon lieu d’insertion pour le VIE, j’ai eu l’occasion d’en parler à des pères qui parlent français et qui pourraient prêcher dans cette langue. Ils m’ont encouragée dans l’initiative et je pense qu’ils accepteraient avec plaisir de célébrer un jour pour la communauté francophone de Bogotá.

 

Retraite de profession de foi

Le week-end du 20-22 mai 2016,  une retraite a été organisée pour les collégiens. Sept jeunes demandent à faire leur profession de foi et deux ont demandé à commencer une préparation au baptême. Ce fut un très beau temps fort, organisé avec les Eudistes du quartier du Minuto de Dios. Les jeunes ont reçu la croix au cours de la messe du quartier le dimanche. La profession de fois est programmée pour le dimanche 12 juin.
Voir le reportage photos : Retraite de Profession de Foi 21-22 mai 2016


Avenir

Pour aller plus loin, et suivre la proposition jubilaire de notre Pape François, le 14 février prochain, nous avons invité la communauté française à un temps de réflexion sur « La miséricorde dans la vie de saint Jean Eudes et pour les eudistes aujourd’hui ». Une célébration pénitentielle a été offerte le 5 mars pour les enfants du KT mais aussi ouverte aux parents.

Aujourd’hui, nous en sommes encore au début. Pourtant il est déjà urgent de préparer l’avenir ! Je ne crois pas qu’il faille penser devenir “paroisse” française car la vie des expatriés fait qu’à Noël et à Pâques, périodes de vacances, ils rentrent en France ou, de toutes façons, quittent Bogota.  mais déjà nous savons que la formule d’une messe par mois, hors vacances, et hors week-ends de ponts est bonne. Nous savons aussi que P. Jules Amagnon rejoindra l’Afrique en juin alors ma préoccupation, aujourd’hui, c’est de savoir quels eudistes accepteront de se lancer pour dire la messe en français, une fois par mois, à Bogota, dans les années à venir sachant que l’ambassade de France annonce que la communauté française en Colombie va croissant donc potentiellement aussi le nombre de pratiquants français à Bogotá. Une autre préoccupation, dont la réponse ne peut reposer que sur la confiance, est celle du renouvellement de la communauté car par nature les expatriés repartent tous les deux à trois ans. Si, comme je le crois le Seigneur est celui qui suscite cette communauté alors, il saura lui offrir les talents dont elle a besoin pour continuer de s’épanouir sous le regard bienveillant, formateur et évangélisateur de la belle Congrégation de Jésus et Marie.”Bogota communauté

Aude Bauguin, associée des eudistes, en volontariat à Bogota


Point de vue


Le père Luc Lalire, responsable du Pôle Amérique Latine du Service de la Service de la Mission Universelle de l’Eglise à la Conférence des Evêques de France, est venu faire une visite pastorale en Colombie en février 2016. Il a été impressionné par la vivacité de cette toute jeune communauté:
“A la messe du dimanche 14 février participent 75 adultes et une trentaine d’enfants. Pas  de personne de plus de 50 ans (hormis les célébrants) !
Bogota Café après la messeUn temps de détente, puis de rencontre avec tous les présents durant quarante minutes à la suite du pique-nique.
Nous évoquons l’organisation : le catéchisme des enfants est assuré par quelques mamans, mais aujourd’hui, le problème est le nombre d’enfants (près de 25 si j’ai bien compris) et donc celui des locaux !Les familles se sont ensuite présentées par « ordre d’arrivée » ! c’était un tour de table intéressant ; car les expatriés sont divers ; certains ont même fait choix de rester en Colombie (un couple qui travaille dans le « nutritionnel », pour développer un produit pour les enfants dénutris).  J’ai noté trois couples franco-colombiens présents et enfin des familles ou des personnes travaillant dans le volontariat. J’ai compté deux couples (1 DCC et 1 Fidesco), qui travaillent à l’association Oasis et trois jeunes célibataires, envoyé par Fidesco et Aude par la DCC chez les eudistes.
Une bonne ambiance, et les personnes étaient heureuses de ce tour de table inédit !”


Page Facebook de la communauté catholique francophone.

Témoignage historique