Histoire et souvenirs de la messe pour les francophones de Brasilia
Tout a commencé le 4 décembre 1982.
Notre prêtre fondateur était breton. Il s’appelait Yves Pouliquen, était très dévoué et enthousiaste.
L’endroit choisi pour célébrer la messe avait été la chapelle Santa Marcelina : je dois dire que la Maison Santa Marcelina a été pour moi ma deuxième maison parce que j’ai été interne dans son pensionnat à Sao Paulo dès l’âge de dix ans et jusqu’à l’âge de dix-huit ans. Après cela, je suis restée au Pensionnat des Sœurs Marcelinas jusqu’au moment où je suis partie pour Paris afin de donner des concerts en Europe. J’y suis restée quatre ans et c’est là, la dernière année, que j’ai connu mon mari qui m’accompagne toujours dans les missions catholiques dans lesquelles nous sommes impliqués.
Voici un fait intéressant concernant le P. Yves que je vous raconte ici puisque je le trouve très édifiant. Le père fumait énormément. Dès la fin de la messe, il sortait de l’église, avec une cigarette et un briquet à la main. Un jour j’ai remarqué qu’il ne fumait pas depuis quelque temps. Je lui ai demandé pourquoi. Je ne m’attendais pas à recevoir cette réponse : « Pendant les quarante jours du Carême, je ne fume pas. » Que Dieu le garde dans le ciel !
Après de très longues années passées avec nous, le P. Pouliquen a dû rentrer en France. Pour son remplacement, il avait choisi Monseigneur Pierre Primeau, un prêtre très dévoué aux francophones. Celui-ci a célébré beaucoup de baptêmes, de premières communions, de confirmations et même des mariages. Pour le catéchisme et la préparation à chaque sacrement, les réunions se passaient dans une autre maison côté lac et cela marchait à merveille. Malheureusement, le 16 décembre 1989, Mgr Pineau a célébré sa dernière messe au Brésil avant de partir pour le Canada comme supérieur de tous les sulpiciens de l’Amérique du Sud. Mais son intérêt pour notre messe a continué par la suite. De notre côté, nous l’appelions au téléphone pour avoir de ses nouvelles et donner des nôtres, de la messe, etc. C’est ainsi que quand nous avions des problèmes de prêtre, nous lui téléphonions au Canada pour qu’il demande au supérieur du séminaire Maior Arquiocesano de Brasilia de nous envoyer un prêtre pour célébrer pour nous (la majorité des Sulpiciens parle très bien français). C’est ainsi que nous avons eu de très bons prêtres.
Mgr Pierre Primeau, p.s.s., est prêtre de l’Ordre de St Sulpice et vient du Canada français. Dans ses lettres, il nous invitait toujours à venir séjourner au séminaire chez lui au Canada : « Votre visite au Canada est certaine. Il ne manque que les dates !!! » nous disait-il.
Lorsque Mgr Primeau nous a quittés, il a demandé à un prêtre brésilien, ayant eu une mission au Zaïre pendant huit ans, de venir célébrer en français pour nous tous les samedis. Ce prêtre abandonnait sa paroisse le samedi soir pour venir nous rejoindre. C’était le Père Carlos Zanatta, c.m. (Congrégation de la Mission, lazariste), le très cher dévot de Marie.
Il est l’auteur d’un livre de plus de 300 pages intitulé « Nossa Senhora, Medianeira de todas as gracas » (Notre Dame, médiatrice de toutes grâces) qui se termine par cette prière : « Notre Dame, Porte du Ciel, priez pour nous ! Surtout à l’heure de notre mort, suppliez : Porte du Ciel, priez pour nous ! »
Pendant une période, grâce à Dieu heureusement, pas très longue, la messe francophone n’a attiré que très peu de fidèles. Un samedi où il n’y avait qu’Antoine et moi, à la fin de la célébration, nous avons dit au P. Zanatta que cela ne pouvait pas continuer ainsi : laisser sa paroisse pour venir célébrer pour nous deux ! Sa réponse ? « Si vous ne voulez pas venir, moi je célèbrerai pour moi tout seul, parce que je l’ai promis à Monseigneur Primeau. Et puis, si je perds l’habitude d’aller dans cette belle chapelle, cela serait difficile d’y revenir !!! »
Au sujet du P. Zanatta on pourrait citer de nombreuses anecdotes très édifiantes, et ses supérieurs savaient qu’il ne disait jamais NON à une mission demandée. Ainsi, sa vie était un incroyable « corre-corre » (tourbillon). Nous avons appris qu’il rentrait très tard dîner (la bonne laissait son repas au chaud dans le four). Les mendiants stationnaient souvent à la porte de sa maison. Tard le soir, quand il rentrait, il allait chercher son dîner pour le donner aux pauvres tandis qu’il mangeait juste un morceau de pain. C’est peut-être à cause de cela qu’il était si maigre. Sachant cela, les samedis où nous étions libres, nous l’invitions à dîner chez nous.
Lorsqu’ il fut hospitalisé pour une opération au cœur, nous lui avons acheté des gâteaux dans une pâtisserie la veille de cette intervention. Nous avons passé sa dernière après-midi avec lui, et petit à petit, il mangea tous les gâteaux ! Hélas, il ne se remit pas de son opération. Durant la messe très émouvante de ses obsèques, presque tous les prêtres de Brasilia furent présents, et l’église était bondée de tous ses admirateurs : tous les pauvres qu’il avait aidés dans sa vie.
Quand mon mari et moi allions à Paris, nous lui rapportions toujours un souvenir tel qu’un portefeuille, une ceinture, ou autre chose … Quelques jours après sa mort, un de ses proches m’a téléphoné pour demander que nous venions chercher les cadeaux que nous lui avions donnés. Il ne les avait jamais utilisés, disant que c’était trop chic pour lui. Il avait un tiroir plein de tous ces objets !!
On pourrait encore dire beaucoup d’autres choses sur le P. Zanatta… Pour sa succession, il avait tout organisé, et avait même trouvé un prêtre pour le remplacer. Il s’agissait de Monseigneur Léon Kalung, un formidable Africain de la Nonciature Apostolique qui nous a appris pas mal de choses.
On ne peut pas finir cette histoire de la messe francophone de Brasilia sans parler d’un prêtre qui a été très important pour nous : c’est le Père Eric Silvestre qui travaillait au Séminaire Maior Arquiocesano de Brasilia. Il était très jeune, mais avait beaucoup d’idées pour notre messe. Par exemple, pour un jeudi saint, il avait loué un salon à Brasilia et il avait organisé une « Santa Ceia » avec du pain azyme et du vin rouge. Il avait même un guitariste pour jouer des musiques religieuses.
Impossible de mentionner ici tous les prêtres qui nous ont célébré une messe, mais nous les gardons tous dans nos prières. Souhaitons que Dieu les bénisse. Nous ne pouvons pas ne pas mentionner les jésuites, les pères Thierry de Gertsch, Bernard Lestienne, José Coulos Alexio. Les jésuites ne peuvent pas être curé de paroisse, mais peuvent cependant célébrer l’une ou l’autre messe quand ils sont à Brasilia. Quand je téléphone chez eux, l’un ou l’autre prend le téléphone et je lui dis : « SOS Messe ! »
Une fois, nous avons même demandé à l’ambassadeur de France, mon mari et moi, un rendez-vous avec le nonce pour lui demander de nous indiquer un prêtre de la Nonciature prêt à célébrer la messe en français. Nous demandions la même chose à la CNBB (Conférence des Évêques du Brésil), le séminaire etc. Le seul problème avec notre messe, c’est qu’après avoir été célébrée toutes les semaines, elle est passée à à peine une fois par mois.
Mais comme il y a peu de prêtres célébrant en portugais, il y en a encore moins utilisant le français…
Nous avons souvent mis des publicités dans les journaux pour annoncer la messe pour les francophones. Nous avons aussi mis des annonces à l’Alliance Française, à la radio, etc.
Nous n’avions au début presque pas de photos prises pendant la messe. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque il n’y avait ni Internet ni téléphones portables !
Voici une photo du baptême de six enfants d’une même famille africaine qui arrivait de Moscou, où les parents avaient servi pendant longtemps à l’ambassade de leur pays. C’était curieux qu’ils aient emmené leurs enfants avec eux à Moscou. Un beau jour, à la sortie de la messe, ils étaient tous les six sur le parvis de l’église et se tenaient tous par la main. Le père m’a posé cette question : « Madame, j’aimerais vous demander si vous pourriez être marraine de baptême de nos enfants. » Je lui ai répondu : « Avec plaisir, Monsieur, mais lequel ? » Le monsieur me répondit : « Tous les six ! ». J’ai regardé les jeunes et on aurait dit qu’ils attendaient ma réponse avec impatience. C’est comme cela que mon mari et moi, à travers ce baptême, avons pu guider six enfants vers la foi !!
J’espère avoir donné un aperçu de la messe pour les francophones de Brasilia, qui existe depuis le 4 décembre 1982. Cela fera 36 ans au mois de décembre prochain.
Suely de Rosselli, et Antoine de Rosselli