Lors de son voyage pastoral en Afrique, du 25 au 30 novembre 2015, le Pape François va se rendre au Kenya, en Ouganda et en Centrafrique. Parmi les évènements prévus lors de ces visites, le Pape participera à une rencontre interreligieuse et œcuménique à la nonciature de Nairobi, visitera le sanctuaire des martyrs anglicans et catholiques de l’Ouganda à Namugongo, et célébrera une messe à leur intention. Partout il rencontrera prêtres, séminaristes religieux et religieuses de ces trois pays.
Nos communautés catholiques francophones de Nairobi (Kenya) et de Kampala (Ouganda), se sentent très concernées par le voyage du Pape. Plusieurs de leurs membres ont bien voulu répondre aux questions que nous leur avions posées au sujet des visites de François dans leur pays d’accueil.
Laissons la parole à des membres de la CCF de Nairobi, Djesika Amendah,Thibaud Rérolle , Marie-Céline Leroy, Eugénie Nouala, Damien et Gwenaëlle Braud, ainsi qu’à Christian Katoto (CCF de Kampala).
Au Kenya
Djesika: Je compte surtout le voir à la télévision et aller l’acclamer quand il viendra dans notre paroisse (nous avons la chance de dépendre de la Paroisse Saint Austin où le Pape viendra pour une rencontre avec le clergé kényan et notre curé a obtenu l’autorisation de laisser les paroissiens entrer dans les jardins de la paroisse pour accueillir le Pape).
Thibaud: Tout d’abord par mon travail, en tant que responsable technique de l’opérateur téléphonique principal au Kenya, j’ai la responsabilité d’assurer que tout se passera bien pour le public, la presse, la délégation quant à l’utilisation d’internet et des réseaux mobiles pendant la visite du Pape.
La Communauté Catholique Francophone de Nairobi (CCFN) est rattachée à la Paroisse Saint Austin où le pape rencontrera le clergé kényan jeudi 26 novembre après-midi. Ce choix n’est pas anodin, car cette paroisse est la première paroisse catholique fondée au Kenya en 1899 (première au sens de l’évangélisation moderne de l’Afrique, bien sûr). Cette paroisse a d’ailleurs été fondée par des Pères Spiritains français venus en mission depuis Zanzibar (Emile Allgeyer entre autres). En tant que paroissiens de Saint Austin, nous aurons donc la possibilité d’accueillir le Saint Père lors de son passage.
J’essayerai également de me rendre à la rencontre des jeunes le vendredi 27 novembre au matin pour y accompagner mes enfants.
Marie-Céline: Je pensais pouvoir assister à la messe, mais cela va m’être impossible. J’organise avec des amies une levée de fond importante au profit de l’AMREF-Healthcar Africa le vendredi 27 novembre, pour payer la formation de sages-femmes dans le pays. Le taux de mortalité infantile est très élevé au Kenya. Lorsque nous avions choisi cette date, nous ne savions pas que le Pape François allait venir en même temps. Mais je vais l’écouter via les médias et lire ses discours.
Eugénie: Oui, je compte y participer. Je sensibilise aussi les différents groupes dont je fais partie à aller applaudir et écouter le Pape. Je voudrais prendre part à certaines des rencontres qu’il présidera (si les conditions de sécurité très strictes imposées par le gouvernement kenyan me le permettent) et apporter ma contribution matérielle à l’organisation de la venue du Pape.
Damien et Gwenaëlle: Par le biais de notre communauté paroissiale, répondre à l’invitation du Pape était pour nous primordial. Nous vivons cette venue comme une grande chance et sommes heureux de témoigner de notre Foi au reste du monde.
En Ouganda
Christian: En tant que Chrétien, dépouillé de mon manteau, comme l’Aveugle Bartimée de Jéricho, je crierai en courant, Pape François, aie pitié de moi, fais que je retrouve ma vue. Le voir dans la Foule, l’apercevoir, lui tendre la main… C’est possible. Comme Diplomate, je pourrais me faufiler pour être dans le corridor de son passage ; mais non, je serai dans le Grand Jardin des Martyrs de Nyamugongo avec ces Oubliés avec lesquels nous partageons souvent la même natte chaque le 3 juin lors de la Journée des Martyrs durant la messe. Sa Sainteté le Pape François va célébrer une messe au même endroit et sera visible sur des écrans géants pouvant nous permettre de l’embrasser avec nos yeux et notre cœur… Mais Il faudra se réveiller très tôt avec toute la famille pour se glisser dans la foule et se trouver un petit espace où étendre la natte. Nous le verrons face à face. C’est l’essentiel. Le pan de sa chasuble traversera l’écran géant et nous pourrons le toucher.
Au Kenya
Djesika: Il y a un besoin constant de s’ouvrir aux autres, de se faire de nouveaux amis et de retrouver ses marques religieuses et spirituelles, puisque nous n’avons plus accès aux mêmes réseaux de famille et d’amis et aux mêmes habitudes que dans notre pays. La foi a besoin d’être nourrie mais, par bonheur, l’Eglise Catholique est la même dans notre pays d’origine ou ici au Kenya. Donc, les structures restent semblables. Mais, bien que je parle bien anglais, je préfère prier en français. D’où l’importance de la Communauté Catholique Francophone de Nairobi où je vais régulièrement à la messe et dans laquelle je suis impliquée comme secrétaire adjointe.
Thibaud: Comme indiqué ci-dessus, nous avons ici la grande chance d’avoir une paroisse catholique francophone, ce qui nous permet de vivre notre foi dans notre langue. C’est un immense atout, surtout concernant le chemin de foi de nos enfants. Nous avons une messe dominicale, des œuvres sociales, un catéchisme et tous les sacrements. Il n’y a donc pas de défi particulier, plutôt une richesse à partager la vie de notre communauté avec d’autres francophones congolais, rwandais, camerounais, togolais…
Marie-Céline: Je trouve que, concernant les actions de partage, ma vie de chrétienne est beaucoup plus facile ici. Tellement de personnes ont besoin d’une aide. Il est très facile de mettre en œuvre le partage, la solidarité. Il suffit d’ouvrir les yeux, de parler avec les gens, de s’arrêter et de les écouter. Mais il y a aussi un danger à s’y perdre car la pauvreté est un puits sans fond et je ne peux pas non plus aider les gens malgré eux. L’aide ne peut être bénéfique qu’avec l’éducation.
En revanche, je vis des moments difficiles lorsque des problèmes arrivent dans ma famille en France, et que je ne suis pas là pour aider et écouter mes proches. J’ai 2 enfants ici et 2 autres qui vivent près de Paris. Après les récentes attaques sur notre capitale, j’ai senti une grande détresse et je n’étais pas avec mes enfants pour les entourer physiquement de mon affection. C’est dur. C’est la famille qui en pâtit le plus. Et ce fut la même chose pour eux lorsque nous avons eu l’attentat sur Wesgate à Nairobi il y a 2 ans.
Eugénie: Le fait que le Kenya soit un pays chrétien n’a pas causé d’énormes difficultés dans la pratique de ma religion. Le seul problème qui pouvait se poser aurait été la langue. Mais celui-ci s’est rapidement résolu grâce à l’existence d’une Communauté Catholique Francophone à Nairobi.
Le seul défi à relever, c’est de continuer à pratiquer ma foi de chrétienne das la sérénité malgré la menace persisitante du terrorisme. Par ailleurs, par moments, on peut se demander si Dieu nous regarde toujours, nous, ses efants, quand on voit toute la violence qui s’abat sur nous, toute la misère qui nous entoure. Notre foi s’en trouve parfois ébranlée…
Damien et Gwenaëlle: Être catholique loin de son pays d’origine, c’est ressentir la dimension universelle de l’Eglise et découvrir sa richesse infinie. Ici au Kenya, nous sommes touchés par la simplicité des gens pour parler de leur Foi et avons redécouvert la profondeur de la louange qui porte nos prières.
En Ouganda
Christian :
C’est difficile de parler de sa foi. C’est très intime…
Vivre sa foi loin de sa famille élargie, dans un autre pays, après les affres de la guerre à Kisangani (RDC) surtout les premiers mois d’installation et, plus tard, lorsque le système de vivre au quotidien échappe, cela sort de l’ordinaire. Les tentations de toute nature rôdent tout autour. Chaque jour qui passe semble être une victoire sur soi et pour la communauté dans laquelle on évolue. Les jeunes souffrent. Les parents aussi ne savent vers qui tendre les mains. Et le message de l‘Evangile, Amour, Espoir et Charité, doit continuer à être propagé, donné. La solidarité entre les jeunes organisés en Communauté de base soulage parfois.
Par ailleurs, entretenir sa foi au sein même du lieu de travail n’est nullement aussi commode. Le matériel à lui tout seul, sans Dieu, ne peut en aucun cas combler un cœur d’homme. Ainsi, être refugié et maintenir sa foi intacte, c’est aussi un travail spirituel extraordinaire, un combat spirituel, un miracle : beaucoup de sollicitations des autres religions sont présentes à tout moment. Beaucoup d’Eglises de Réveil semblent faire de promesses miraculeuses aux Chrétiens comme si elles dinaient avec l’Esprit-Saint. Goûter à la présence de l’Esprit-Saint semble exiger un peu de notre temps à travers le silence du temps. C’est un effort à fournir à chaque instant, chaque jour.
Les Missionnaires Pères Blancs de Lourdel House accueillent une grande partie des Refugiés congolais deux fois le mois pour une messe chantée en français. C’est une communauté vivante qui aide quelque peu à maintenir la foi des uns et des autres. Mon Epouse Chantal y est responsable de la Chorale et moi Catéchiste. La foi se consolide au contact avec les autres, surtout aussi avec celle des autres nationalités. Comme Eglise, nous sommes un en Christ-Jésus même si ce n’est pas toujours facile au regard des vicissitudes de la vie.
Nous souhaitons aux catholiques des trois pays africains visités par le Pape, et plus particulièrement aux membres des CCF de Nairobi et de Kampala, des temps forts qui permettent à tous de vivre intensément leur foi pendant ces jours de visite. Que les fruits de cette rencontre se fassent ressentir pour que chacun vive davantage dans la paix, l’espérance et la fraternité!