Édito de Mgr Bruno Valentin, évêque coadjuteur de Carcassonne et Narbonne et membre du Conseil épiscopal pour la mission universelle de l’Église. (n°8-2021).

Ce titre donné par le pape François à son message pour la journée mondiale du migrant et du réfugié de 2019 constitue un appel fort et audacieux à transformer nos réflexions et nos attitudes envers les personnes migrantes, réfugiées ou déplacées, en osant un regard de réciprocité.

Nous savons combien notre société a du mal à aborder sereinement les questions migratoires. Elles sont devenues, particulièrement ces dernières années, un important lieu de tensions et de combat politique. Et pourtant, tant de grandes figures bibliques, de gestes et de paroles du Christ, et toute la Tradition de l’Église nous appellent à donner aux personnes migrantes leur juste place. À bien des reprises depuis le début de son pontificat, le pape François s’est fait le porte-parole de tous ceux qui œuvrent auprès d’elles.

La question migratoire n’est pas qu’un sujet géopolitique de notre époque. Elle est d’abord un fait anthropologique fondamental, et pour nous chrétien un lieu théologique incontournable. Nous savons que le thème de la mobilité, du nomadisme, du voyage est très présent dans toute l’Écriture. En relisant les récits de vie d’aujourd’hui à la lumière de ces grands textes bibliques, nous nous souvenons que Dieu lui-même dans son incarnation s’est fait migrant, et qu’il nous a constitués en peuple migrateur, perpétuellement en marche vers un Royaume qui n’est pas de ce monde.

“C’est une véritable révolution copernicienne que le pape François encourage quand il insiste sur la relation dialectique entre accueilli et accueillant”

Si nous savons la complexité du débat sur la question migratoire, nous pouvons tout autant remarquer le nombre de personnes qui participent à l’accueil des personnes comme à la réflexion sur ce phénomène. C’est une véritable révolution copernicienne que le pape François encourage quand il insiste sur la relation dialectique entre accueilli et accueillant : « C’est pourquoi la présence des migrants et des réfugiés – comme, en général, des personnes vulnérables – représente aujourd’hui une invitation à retrouver certaines dimensions essentielles de notre existence chrétienne et de notre humanité, qui risquent de s’assoupir dans un style de vie rempli de confort. C’est en cela que l’expression “il ne s’agit pas seulement de migrants” signifie qu’en nous intéressant à eux, nous nous intéressons aussi à nous et à tous ; en prenant soin d’eux, nous grandissons tous ; en les écoutant, nous laissons aussi parler cette part de nous que nous gardons peut-être cachée parce qu’aujourd’hui elle n’est pas bien vue » [1]. Dans ce Documents Épiscopat, la réflexion de ceux qui, au sein des diverses associations d’inspiration chrétienne, contribuent à accueillir les per- sonnes migrantes, tout autant que la relecture de leur mission, soulignent que les bénéficiaires de cet accueil sont aussi du côté des accueillants. Le témoignage des uns et des autres ne nous montrent pas seulement un phénomène social mais les visages de personnes qui ont vécu la joie de la rencontre.

La pastorale des migrants peut nous permettre une relecture globale de l’ensemble de notre vie en Église comme le suggère Henri-Jérôme Gagey dans son article : « Si nous avions d’abord été attentifs aux besoins spirituels des personnes migrantes, nous avons rapidement compris qu’il nous fallait aussi assurer aux migrants des conditions de vie correcte et le respect de leurs droits, leur permettre de maintenir le lien avec leur communauté ethnique et aussi de s’enraciner dans leur communauté d’accueil. Ainsi la pastorale des migrants a pu permettre à l’Église d’apprendre d’une manière renouvelée l’unité du premier et du “second commandement qui lui est semblable” (Mt 22, 38-39».

Merci aux nombreux contributeurs de ce Document Épiscopat qui conduisent chacun de nous à comprendre, comme le souhaite le pape François, qu’il ne s’agit pas seulement de migrants « mais de nous tous, du présent, et de l’avenir de la famille humaine ».

Ed. Secrétariat général de la Conférence de évêques de France  ,  numéro 8 – 2021, 104 p., 8€